(Kaboul) Le gouvernement taliban a « le droit d’arrêter et d’écrouer les opposants », dont les femmes qui manifestent régulièrement « sans autorisation », a affirmé samedi son principal porte-parole, réagissant à la récente disparition de deux militantes féministes dans laquelle le régime nie être impliqué.

Depuis leur arrivée au pouvoir mi-août à la faveur du retrait des troupes américaines, les autorités talibanes dispersent les manifestations d’opposition. Des journalistes ont été tabassés et certains critiques du régime arrêtés.

Cette semaine, deux femmes ont été enlevées quelques jours après avoir participé à une manifestation à Kaboul, selon plusieurs militantes féministes.  

La Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) a appelé samedi les talibans à « fournir des informations » concernant le sort de ces deux militantes, Tamana Zaryabi Paryani et Parwana Ibrahimkhel.

Lors d’un entretien avec l’AFP, le porte-parole du gouvernement, Zabihullah Mujahid, a nié toute interpellation.

Le gouvernement a toutefois « le droit d’arrêter et d’écrouer les opposants ou ceux qui violent la loi », a-t-il précisé, en ajoutant que « personne ne devrait créer de perturbations, car cela trouble l’ordre public et la paix ».  

Les militantes féministes organisent régulièrement des petits rassemblements dans la capitale pour réclamer le respect des droits des femmes.

Elles manifestent « sans autorisation », a fait valoir M. Mujahid. « Si cela arrivait dans un autre pays, des personnes comme elles seraient arrêtées ».

Dans notre pays également, elles seront emprisonnées et confrontées à leurs responsabilités. Nous n’autorisons pas les activités illégales.

Zabihullah Mujahid

Discussions en Norvège

Depuis l’arrêt de l’aide internationale, qui représentait environ 80 % de son budget, et le gel par les États-Unis de 9,5 milliards de dollars d’avoirs de la Banque centrale afghane, l’Afghanistan s’enlise dans une profonde crise humanitaire.

La famine menace aujourd’hui 23 millions d’Afghans, soit 55 % de la population, selon l’ONU, qui réclame aux pays donateurs 4,4 milliards de dollars pour faire face.

C’est dans ce contexte que doivent s’ouvrir dimanche en Norvège des discussions entre les nouveaux maîtres de l’Afghanistan et les diplomaties occidentales, qui érigent le respect des droits des femmes comme condition préalable à toute reconnaissance officielle du gouvernement.

Une délégation talibane doit rencontrer les autorités norvégiennes et des représentants d’autres pays, dont les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et l’Union européenne.

« L’Émirat islamique (nom donné par les talibans à leur régime, NDLR) a pris des mesures pour satisfaire les exigences du monde occidental et nous espérons renforcer nos relations diplomatiques avec tous les pays, y compris les pays européens et l’Occident en général », a déclaré M. Mujahid.

Depuis leur retour au pouvoir, les talibans assurent s’être modernisés par rapport à leur dernier règne (1996-2001), lors duquel ils ont largement piétiné les droits humains.

Les femmes restent toutefois largement exclues des emplois publics et les écoles publiques restent fermées pour les filles de plus de 12 ans.  

Les femmes désirant voyager doivent également être accompagnées par un homme de leur famille proche et des affiches leur rappelant qu’elles « doivent » porter un voile, accompagnées de photos de burqa, ont été placardées dans Kaboul.

Combattants « novices »

Vendredi, la police religieuse des talibans a menacé de tirer sur des femmes travaillant pour des ONG internationales dans une province du nord-ouest de l’Afghanistan si elles ne portaient pas la burqa, selon deux employés de ces organisations.

M. Mujahid a mis ces tentatives d’intimidation sur le compte de l’inexpérience des combattants talibans, désormais chargés de l’ordre public après 20 ans de guérilla.  

Les forces gouvernementales sont « très novices […] et pas professionnelles », a-t-il argué. « Ils n’ont pas été formés ».

Selon M. Mujahid, le nouveau régime est en faveur des droits des femmes, qu’il concilie avec son interprétation stricte de la charia, la loi islamique.

« Même sans les demandes (de la communauté internationale), nous estimons nécessaire que les femmes travaillent et soient éduquées », a-t-il insisté.

Aucune date n’est en revanche arrêtée pour un éventuel retour en classe des jeunes filles dans les provinces où elles sont exclues des écoles publiques.  

Il aura lieu « au cours de l’année à venir », mais « nous ne pouvons pas fixer une date butoir », a expliqué le porte-parole, en invoquant la crise économique et l’inexpérience des nouvelles autorités.