(Kerbala) Bagdad a libéré mercredi un commandant du Hachd al-Chaabi, deux semaines après son arrestation qui avait provoqué une démonstration de force de cette coalition paramilitaire intégrée à l’État, relançant le débat sur la capacité des autorités à contenir les pro-Iran.

Arrêté le 26 mai et suspecté d’avoir ordonné le récent assassinat d’une figure de la contestation antipouvoir, Qassem Mouslah a paradé entouré de ses partisans dans les sanctuaires chiites de Kerbala, sa ville à une centaine de kilomètres au sud de Bagdad, ont constaté des journalistes de l’AFP.

« Les juges ont rendu la justice, ils ont terminé leur instruction et conclu à ma libération », s’est félicité auprès de l’AFP M. Mouslah, l’une des figures les plus proéminentes parmi les pro-Iran en Irak.  

PHOTO ABDULLAH DHIAA AL-DEEN, ARCHIVES REUTERS

Des citoyens de Karbala lors des funérailles du militant Ehab al-Ouazni, qui a été abattu par des hommes armés non identifiés le 9 mai 2021. Des communications téléphoniques recueillies par la police ont lié cet assassinat à Qassem Mouslah, qui a été arrêté le 26 mai. Les autorités irakiennes l’ont libéré le 9 juin, relançant le débat sur la capacité des autorités à contenir les pro-Iran.

Pressions exercées sur les juges

De son côté, un haut responsable a dénoncé le rôle des juges dans un des pays les plus corrompus au monde, où les tribunaux sont régulièrement accusés de statuer en faveur de parties ayant versé des pots-de-vin ou bénéficiant de soutiens de partis ou de groupes armés.

« Le gouvernement a présenté toutes les preuves disponibles, mais les juges ont décidé de le libérer à cause des pressions qu’ils subissaient », a affirmé à l’AFP ce responsable, sous le couvert de l’anonymat.

Aussitôt après l’arrestation de Qassem Mouslah, les forces de sécurité avaient dû fermer la « zone verte » de la capitale, quartier ultra-protégé où se trouvent le Parlement, les bureaux du premier ministre et l’ambassade américaine, car les combattants du Hachd en armes l’assiégeaient à bord de blindés.

« Des communications téléphoniques au sujet des assassinats entre Mouslah et les exécutants, des messages de menaces aux proches, des témoignages, des explications obtenues en interrogatoire ont été fournis », impliquant M. Mouslah dans les assassinats d’au moins deux militants à Kerbala, Ehab al-Ouazni et Fahem al-Taï, a-t-il précisé.

Aucune preuve, dit la magistrature

Dans un communiqué, le Conseil suprême de la magistrature a affirmé avoir établi que M. Mouslah « n’était pas en Irak au moment de l’assassinat de M. Ouazni » et n’avoir obtenu « aucune preuve de son implication ».

Mercredi, dans le sanctuaire chiite où les soutiens de M. Ouazni avaient chanté « Iran dehors » et « le peuple veut la chute du régime » il y a un mois autour de son cercueil, M. Mouslah a salué une foule qui l’acclamait.

« Qassem est revenu victorieux », proclamaient des pancartes brandies par des partisans qui jetaient des bonbons.

« C’est une victoire de plus pour le Hachd contre ceux qui le visent d’ici et de l’étranger », s’est félicité Saad al-Saadi, un responsable du Hachd à Kerbala.

70 militants visés par des attentats

L’Irak a été le théâtre de la répression sanglante (600 morts, 30 000 blessés) d’une révolte populaire inédite fin 2019 et depuis, au moins 70 militants ont été victimes d’assassinats ou de tentatives d’assassinat et des dizaines enlevés, parfois brièvement.

Toutefois, les accusations contre M. Mouslah en cachent d’autres, selon une source au sein du Hachd.

L’homme, haut commandant du Hachd dans l’Ouest désertique, est également accusé d’être lié à des tirs de roquettes sur la base d’Aïn al-Assad qui abrite dans cette région de nombreux soldats américains, affirme cette source.

Elle ajoute que M. Mouslah n’était plus en détention depuis des jours, mais retenu dans l’un des QG du Hachd où il était interrogé.

Le Hachd a annoncé pour la fin de semaine une importante cérémonie pour son septième anniversaire et des sources au sein de cette coalition laissent entendre que M. Mouslah pourrait tenir un rôle important dans cet évènement — officiel puisque le Hachd est désormais une institution étatique.