(Damas) Les Syriens ont voté mercredi dans les régions sous contrôle du gouvernement pour une présidentielle sans suspense qui doit offrir un quatrième mandat de sept ans à Bachar al-Assad, dans un pays en plein marasme économique ravagé par une décennie de guerre.

Le Haut comité chargé des élections, cité par les médias officiels, a annoncé qu’à minuit, heure locale, les bureaux de vote avaient fermé et que le décompte des voix avait commencé. Les résultats sont attendus dans les 48 heures.  

Votant dans un ancien bastion rebelle reconquis en 2018, le président a fustigé les critiques des Occidentaux sur le scrutin, Washington et les Européens jugeant que l’élection n’était pas libre.

Dans différentes zones du régime, qui contrôle les deux tiers de la Syrie, les médias étatiques ont montré des images d’électeurs massés devant les bureaux de vote.

Si officiellement le pays compte un peu plus de 18 millions d’électeurs, leur nombre est en réalité plus bas, la guerre ayant morcelé le pays et entraîné la fuite à l’étranger de millions de personnes.

Il s’agit de la deuxième présidentielle depuis le début en 2011 d’une guerre impliquant une multitude de belligérants et puissances étrangères. Né de la répression de manifestations prodémocratie, ce conflit a fait plus de 388 000 morts.

A l’université de Damas, des étudiants venus voter ont scandé les traditionnels slogans pro-Assad : « par notre âme, par notre sang, nous nous sacrifions pour toi Bachar ».

« Je ne connais pas les autres candidats, je respecte leur candidature, mais mon vote va au président » a déclaré à l’AFP Kinan al-Khatib, un étudiant de 26 ans. « C’est le seul homme qui a tenu bon durant dix années de guerre ».

Face à lui, deux personnalités considérées comme des faire-valoir sont en lice : l’ex-ministre et parlementaire Abdallah Salloum Abdallah et un membre de l’opposition tolérée par le pouvoir, Mahmoud Mareï.

Le scrutin exclut de facto les figures de l’opposition en exil, très affaiblie, la loi électorale imposant aux candidats d’avoir vécu en Syrie dix ans consécutifs.

« C’est un leurre »

Washington et plusieurs puissances européennes ont condamné une élection qui « ne sera ni libre ni juste ».

« On sait que ces élections ne sont pas de vraies élections […] il y a énormément de Syriens qui sont déplacés qui ne voteront pas, énormément de Syriens qui sont réfugiés qui ne voteront pas », a dit sur France 2 le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian. « C’est un leurre ».

« Vos opinions ne valent rien », a répliqué M. Assad qui avait été propulsé au pouvoir en 2000, succédant à son père Hafez, décédé après 30 années d’un règne sans partage.

L’émissaire de l’ONU pour la Syrie, Geir Pederssen a également critiqué une élection qui se tient « en vertu de la constitution actuelle ». Or « cela ne fait pas partie du processus politique stipulé par la résolution 2254 du Conseil de sécurité » de l’ONU qui appelle à une transition politique en Syrie avec comme point de départ la rédaction d’une nouvelle constitution.

Accompagné de son épouse Asmaa, M. Assad a voté à Douma, ville de la Ghouta orientale, ancien fief rebelle près de Damas reconquis en 2018 et où le pouvoir avait été accusé d’avoir mené une attaque chimique meurtrière.  

Des frappes de représailles occidentales avaient alors été menées même si Damas avait rejeté toute responsabilité.

Reconstruction ?

Dans une nation polarisée par la guerre, les régions autonomes kurdes du Nord-Est ignorent le scrutin. Tout comme le dernier grand bastion djihadiste et rebelle d’Idlib (nord-ouest), qui abrite quelque trois millions d’habitants.

Dans la ville d’Idlib, des centaines de personnes ont manifesté en brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire notamment « pas de légitimité pour Assad et ses élections ».

Dans la province de Deraa (sud), berceau du soulèvement de 2011 reconquis par le régime, une « grève générale » a été observée dans plusieurs localités pour dénoncer le scrutin, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).  

Si les combats ont aujourd’hui baissé en intensité, l’élection de 2021 intervient en plein marasme économique, avec une dépréciation historique de la monnaie, une inflation galopante, et plus de 80 % de la population vivant dans la pauvreté selon l’ONU.  

Dans un pays aux infrastructures en ruines, Bachar al-Assad se présente comme l’homme de la reconstruction, après avoir enchaîné les batailles militaires avec l’appui de la Russie et de l’Iran.

En 2014, il avait obtenu plus de 88 % des voix selon les résultats officiels.