Malgré les appels à éviter une nouvelle escalade, les violences n’ont pas connu de répit mardi. Le Hamas et Israël se sont engagés dans une série de ripostes et de contre-ripostes. Les résidants de la bande de Gaza et d’Israël ont vécu des heures difficiles, ponctuées par les déflagrations. 

Bombardements croisés

Les raids israéliens ont tué au moins 35 Palestiniens et fait plus de 230 blessés à Gaza, et les tirs de roquettes ont fait au moins 5 morts israéliens depuis lundi soir. Mercredi (heure locale), le groupe islamiste Hamas a annoncé avoir lancé plus de 220 roquettes de la bande de Gaza en direction d’Israël, dont une centaine vers Tel Aviv. Le Hamas avait dit vouloir se venger de la destruction d’un édifice de 12 étages abritant les bureaux de ses cadres. Le bâtiment aurait été évacué avant le raid, qui n’a pas fait de blessés. Israël a indiqué avoir mené plus de 130 frappes aériennes sur l’enclave palestinienne. Au totral, les groupes armés de la bande de Gaza auraient tiré environ 480 roquettes vers Israël. Le bouclier antimissile a intercepté 200 d’entre elles, selon l’armée israélienne.

Des enfants palestiniens périssent

PHOTO MAHMUD HAMS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Une petite Palestinienne attend d’être soignée à l’hôpital al-Shifa, à Gaza, après une frappe israélienne, mardi.

Dix enfants palestiniens, dont quatre de la même famille, sont morts depuis lundi soir dans la bande de Gaza et au moins vingt-cinq autres ont été blessés, selon le ministère de la Santé à Gaza. Des commandants du Hamas et du Djihad islamique, un autre groupe islamiste armé de Gaza, ont été tués dans les frappes israéliennes. Le premier ministre Benyamin Nétanyahou a exprimé l’intention d’Israël d’« intensifier » les attaques contre le Hamas. Il s’agit des frappes israéliennes les plus importantes dans la bande de Gaza depuis novembre 2019.

Forte inquiétude dans le Sud israélien

PHOTO TSAFRIR ABAYOV, ASSOCIATED PRESS

Une installation pétrolière dans la ville d’Ashkelon, dans le sud d’Israël, a été la cible mardi d’une frappe de roquettes de la bande de Gaza.

La branche armée du Hamas avait promis de transformer la ville israélienne d’Ashkelon en « enfer » s’il y avait des victimes civiles à Gaza. « Parfois, on voit une roquette, mais quand c’est 30, 50, c’est un cauchemar », a confié à La Presse Steven Schultz, un Israélien vivant dans cette ville non loin de la bande de Gaza. Il compte une pièce servant d’abri antibombe dans son appartement, mais déplacer son père de 85 ans, malade et invalide, reste une source d’inquiétude.

FOURNIE PAR STEVEN SCHULTZ

Steven Schultz, avec son père, en fauteuil roulant

« Ça me brise le cœur, ce qui se passe, a soupiré M. Schultz, qui a vécu au Québec une trentaine d’années. Je ne souhaite pas de mal aux Palestiniens, je n’ai jamais voulu qu’un Palestinien meure. Le fait que nous aussi, on lance des avions sur eux… Mais si on ne fait pas ça, ils vont nous jeter des bombes sans arrêt… C’est très difficile. »

Le quartier Cheikh Jarrah au cœur des tensions

PHOTO MAYA ALLERUZZO, ASSOCIATED PRESS

Graffiti sur le mur extérieur d’une maison appartenant à un ménage palestinien menacé d’éviction, dans le quartier arabe de Jérusalem-Est Cheikh Jarrah

Cheikh Jarrah, un quartier arabe de Jérusalem-Est, est au cœur de la nouvelle flambée de tensions ; 218 ménages palestiniens de Jérusalem-Est sont menacés d’expulsion, selon l’OCHA, alors que des familles juives revendiquent les propriétés. Si la bataille judiciaire dure depuis des années, un jugement favorable aux colons juifs rendu en début d’année et une bagarre en marge d’une manifestation ont contribué à mettre le feu aux poudres. « Nous nous battons de façon non violente, à travers le système légal, depuis longtemps. Nous n’appelons pas à la violence », a dit à La Presse le patriarche d’une des familles visées, Mohammed Sabbagh, 70 ans. Il a accusé la police israélienne d’avoir envenimé la situation en répondant avec force aux Palestiniens dans les derniers jours. Des Israéliens dénoncent eux aussi une situation jugée discriminatoire, rappelle la professeure de Tel-Aviv Tamar Hermann, qui souligne que l’éviction de ces familles a été amorcée « par l’extrême droite [israélienne] ».

Crise politique

PHOTO AMIT SHABI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Benyamin Nétanyahou, premier ministre d’Israël

Les violences actuelles se déroulent sur fond de tensions politiques, tant du côté israélien que dans la bande de Gaza, a rappelé Tamar Hermann, de l’Israel Democracy Institute. De premières élections en 15 ans dans les territoires palestiniens, prévues le 22 mai, ont été reportées. Le Hamas, considéré comme une organisation terroriste par de nombreux pays occidentaux, est au pouvoir dans la bande de Gaza. Sa branche armée a revendiqué les tirs de roquettes. « C’est une façon [pour le Hamas] de montrer sa pertinence », a commenté Mme Hermann. En Israël, le premier ministre Benyamin Nétanyahou n’a pas réussi à former un gouvernement de coalition, ce que le leader de l’opposition doit maintenant faire. Les tensions pourraient rendre difficiles les négociations, notamment avec les partis arabes élus au Parlement israélien, dit-elle.

Émeutes en Israël

PHOTO HEIDI LEVINE, ASSOCOATED PRESS

Des Juifs israéliens passent devant une voiture incendiée après des affrontements entre des Arabes israéliens et la police, à Lod, mardi.

Des manifestations ont été organisées dans différentes villes à majorité arabe du côté israélien, tournant en émeutes. Un Israélien juif est soupçonné d’avoir tiré sur une foule de protestataires à Lod, lundi, tuant un jeune homme de 25 ans. Lors des funérailles, mardi, des heurts ont eu lieu entre les personnes endeuillées, accusées d’avoir lancé des pierres aux policiers, et les forces de l’ordre israéliennes, qui ont utilisé du gaz lacrymogène sur la foule en colère.

Appel de la communauté internationale

De nombreux pays ont appelé Israéliens et Palestiniens à calmer le jeu. Le premier ministre Justin Trudeau s’est dit horrifié par les images en provenance du Moyen-Orient, et il a dit espérer un apaisement des tensions entre les deux camps. « Les violences et les morts qu’on voit en Israël et dans la région en ce moment sont terribles », a-t-il regretté en conférence de presse à Ottawa, mardi. « Il doit y avoir une désescalade immédiatement », a-t-il ajouté en adressant des reproches aux deux parties. « Les attaques de roquettes du Hamas sont absolument inacceptables, mais nous sommes également gravement préoccupés par la colonisation et les expulsions de Palestiniens [et] les troublantes violences à la mosquée al-Aqsa. Il faut un retour du dialogue », a plaidé Justin Trudeau.

— Avec Mélanie Marquis, La Presse, l’Agence France-Presse et l’Associated Press