Les Israéliens votent ce mardi pour la quatrième fois en moins de deux ans. Tous les scénarios sont possibles, y compris… de nouvelles élections dans les prochains mois.

Ces derniers jours, Benyamin Nétanyahou a reçu des munitions électorales inespérées de la part du grand patron de Pfizer, Albert Bourla.

Interviewé par une chaîne de télévision israélienne, ce dernier s’est dit « franchement impressionné par l’obsession » du premier ministre israélien, qui n’a pas ménagé ses efforts pour le convaincre que l’État hébreu constituait le terrain idéal pour tester le vaccin anti-COVID-19.

« Il m’a appelé au moins 30 fois », a confié Albert Bourla à la chaîne 12, vers la mi-mars.

De quoi injecter une bonne dose de vitamines à la campagne électorale du politicien conservateur, qui s’est maintenu au pouvoir sans interruption au cours des 12 dernières années. Et qui mise sur le succès de la vaccination pour rester en poste.

Israël est, de loin, le pays le plus avancé en cette matière. Près de la moitié de sa population a déjà reçu deux doses du vaccin anti-COVID-19. Ce qui a permis de rouvrir de grands pans de l’économie.

Le 7 mars, les bars, les restaurants, les hôtels, les centres sportifs et les salles de spectacles ont repris leurs activités presque normales.

Fermé depuis janvier pour contenir l’épidémie, l’aéroport Ben Gourion a lui aussi repris ses vols.

Certaines activités exigent un « badge vert », la preuve de vaccination. Les planchers de danse restent réservés aux personnes vaccinées. Mais enfin, un Israélien sur deux vit à l’heure de l’après-pandémie. Et le gouvernement Nétanyahou a même conclu des ententes avec Chypre et la Grèce pour permettre à ses citoyens des vacances sans contraintes.

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Certaines activités exigent une preuve de vaccination en Israël.

Les analystes s’entendent pour dire que le premier ministre israélien a de bonnes raisons de prendre le crédit de ce succès. « La vaccination, c’est le billet pour la réélection de Nétanyahou, il a payé le gros prix [pour les vaccins] et ça paie, nous ne sommes pas loin de l’immunité collective », tranche le politologue israélien Yossi Alpher.

Les atouts et les mauvaises cartes

La vaccination et les « accords d’Abraham », qui ont permis à Israël de normaliser ses relations avec des pays arabes comme le Maroc et les Émirats arabes unis, sont les deux principaux atouts électoraux dont dispose le chef du Likoud à la veille du vote.

Mais son jeu est aussi rempli de mauvaises cartes. Incluant une gestion catastrophique de la première vague de la pandémie.

M. Nétanyahou traîne dans ses bagages la facture économique désastreuse due à son refus d’appliquer un confinement différencié en fonction du taux de propagation du coronavirus, comme on le voit ailleurs dans le monde, note Yohanan Plesner, président de l’Institut israélien de la démocratie, un centre de recherche indépendant.

« Par calcul politique, il a refusé d’imposer des restrictions particulières dans les quartiers juifs ultraorthodoxes, pour ne pas heurter sa base politique », souligne M. Plesner. Or, ces quartiers ont accéléré la propagation de la pandémie.

Mais surtout, il y a le procès pour corruption intenté contre Benyamin Nétanyahou qui reprend… au début du mois d’avril. Tout juste deux semaines après le vote de ce mardi.

Au moment où seront probablement engagées des négociations pour la formation du prochain gouvernement israélien, le premier ministre sortant devra être présent au tribunal, où des témoins tenteront de faire la démonstration de ses méfaits.

Comme argument de vente pour attirer des partenaires de coalition, on a vu mieux…

Selon Yossi Alpher, ces témoignages pourraient influencer des formations politiques tentées de se joindre à une coalition gouvernementale avec le Likoud — mais pas à n’importe quel prix.

Plus à droite que jamais

Avec toutes les bonnes nouvelles sur le front de la COVID-19, Benyamin Nétanyahou a gagné des points dans les intentions de vote au cours des derniers jours, confirment les plus récents sondages. Mais pas assez pour s’assurer la majorité des 120 sièges de la Knesset, le Parlement israélien.

Honni par une partie de la population israélienne, qui le voit comme un premier ministre corrompu et opportuniste, Benyamin Nétanyahou a su préserver une solide base d’appuis. Et ses partisans les plus farouches sont convaincus que l’inculpation pour fraude n’est rien d’autre qu’un coup monté de toutes pièces.

Cette base lui permet d’espérer décrocher une trentaine de sièges sous la bannière de son parti. Mais est-ce assez pour lui permettre de rassembler une majorité d’au moins 61 élus au sein d’un gouvernement ?

À la veille du vote, c’était plus qu’incertain.

Ce qui était clair, par contre, c’est que pour former une coalition gouvernementale, Benyamin Nétanyahou devra s’appuyer sur des partis infiniment plus à droite que le sien.

Peut-être même celui d’Itamar Ben Gvir, avocat réputé pour avoir défendu des juifs extrémistes accusés de crimes haineux contre les Palestiniens.

Itamar Ben Gvir dirige un petit parti né de la fusion de quelques formations tout aussi radicales. Parti qui, s’il franchit le seuil de la représentation électorale, pourrait permettre à Benyamin Nétanyahou de former un gouvernement.

Dans l’état actuel des choses, les résultats du vote pourraient aussi permettre la formation d’une coalition plus centriste. Ou alors aboutir à l’échec des négociations — et, ultimement, à de nouvelles élections.

Mais si jamais M. Nétanyahou devait réussir son pari et se maintenir au pouvoir, les législatives 2021 marqueront une première, note Yohanan Plesner.

« Israël serait dirigé par le gouvernement le plus à droite de toute son histoire. »

Quatre candidats sous la loupe

Benyamin Nétanyahou : l’irréductible

À 71 ans, le chef du parti de droite Likoud devance tous les autres candidats et pourrait décrocher une trentaine des 120 sièges de la Knesset. Il accumule 15 ans au pouvoir, dont 12 sans interruption. Considéré comme un as des campagnes électorales, celui que l’on surnomme « Bibi » est ciblé depuis plusieurs mois par un mouvement de protestation qui lui reproche sa mauvaise gestion de la campagne, mais aussi son procès pour corruption.

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Benyamin Nétanyahou

Yaïr Lapid : le rival

Ex-journaliste, animateur de télévision et poète israélien, le politicien Yaïr Lapid, 57 ans, se positionne comme une solution de rechange au premier ministre sortant. Sa formation, Yesh Atid, est un parti de centre droit à qui les sondages attribuent 19 ou 20 sièges sur les 120 que compte la Knesset. Le mot d’ordre de Yaïr Lapid : débarrasser Israël d’un dirigeant qu’il accuse de vouloir transformer le pays en une « démocratie illibérale ».

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Yaïr Lapid

Naftali Bennett : l’allié potentiel

Âgé de 49 ans, cet ancien ministre de l’Éducation dans un cabinet Nétanyahou a fondé un nouveau parti, appelé Nouvelle Droite, formation ultranationaliste. Il est le politicien chéri des colons juifs des territoires palestiniens occupés. Ses relations avec le premier ministre sortant ont longtemps été tendues. On s’attend à ce que Naftali Bennett, idéologiquement à droite, négocie durement son appui à une coalition avec Benyamin Nétanyahou. Au point de viser, au bout du compte, le poste de premier ministre. Pas évident que sa demande sera accueillie avec enthousiasme…

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Naftali Bennett

Itamar Ben Gvir : le défenseur d’extrémistes

Cet avocat dans la mi-quarantaine loge à l’extrême droite de l’échiquier politique israélien. Son parti, Otzma Yehudit, est idéologiquement proche du mouvement « kahaniste », du nom du rabbin Meir Kahane, qui a été interdit en Israël en raison d’attentats sanglants commis par certains de ses adeptes. Farouchement anti-arabe, Itamar Ben Gvir a défendu, comme avocat, des Israéliens poursuivis pour des actes haineux à l’égard de Palestiniens. Son éventuelle association avec une coalition gouvernementale pousserait l’État israélien plus à droite que jamais.

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Itamar Ben Gvir