(Washington) Le président des États-Unis Joe Biden a estimé qu’il serait difficile de retirer tous les soldats américains d’Afghanistan d’ici le 1er mai, comme prévu dans un accord avec les talibans qui l’ont aussitôt mis en garde contre tout retard.

« Cela peut arriver, mais c’est difficile », a-t-il dit dans un entretien diffusé mercredi par la chaîne américaine ABC.

« Je suis en train de prendre la décision sur la date de leur départ », a-t-il ajouté, précisant que l’annonce ne devrait plus trop tarder, après consultation des alliés de Washington et du gouvernement afghan.

« Le fait est que l’accord conclu par l’ancien président n’a pas été négocié de manière très solide », a déploré Joe Biden. Il a également affirmé que l’absence d’une transition traditionnelle entre l’administration Trump et la sienne de novembre à janvier l’avait empêché d’avoir « accès à ces informations », notamment sur le contenu de l’accord américano-taliban, retardant le processus.

Les États-Unis ont conclu en février 2020 au Qatar un accord historique avec les talibans, qui prévoit le retrait de tous les soldats américains d’ici le 1er mai prochain en échange de garanties sécuritaires et de l’ouverture de négociations directes inédites entre les insurgés et les autorités de Kaboul.

« Les Américains devraient mettre fin à leur occupation conformément à l’accord de Doha et retirer l’ensemble de leurs troupes d’Afghanistan au 1er mai », a déclaré mercredi à l’AFP le porte-parole des talibans Zabihullah Mujahid.

PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Zabihullah Mujahid, porte-parole des talibans.

« S’ils ne le font pas […] ils seront responsables des conséquences », a-t-il prévenu.

Donald Trump, déterminé à mettre fin à la plus longue guerre de l’histoire américaine, a respecté jusqu’à son départ de la Maison-Blanche le calendrier du retrait. Il ne reste donc plus que 2500 soldats américains en Afghanistan, où Washington avait lancé son intervention dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.

Mais les négociations interafghanes qui se sont ouvertes en septembre à Doha piétinent, et la violence fait toujours rage sur le terrain. L’administration Biden a aussi estimé que les talibans n’avaient pas tenu leur engagement de rompre définitivement avec les groupes djihadistes tels qu’Al-Qaïda.

Réunions en Russie et Turquie

Le Américains tentent donc de relancer le processus de paix.

Le secrétaire d’État Antony Blinken a écrit aux dirigeants afghans pour les presser d’accepter un projet d’accord qui prévoit un gouvernement de transition incluant les talibans, ainsi qu’un cessez-le-feu permanent. Son émissaire Zalmay Khalilzad, un des rares hauts responsables de l’ère Trump reconduits par le nouveau gouvernement, multiplie les navettes entre Kaboul et Doha pour convaincre les belligérants.

Mais le président afghan Ashraf Ghani a rejeté à ce stade avec virulence l’option d’un partage du pouvoir avec les insurgés, fut-il transitoire.

Dans sa lettre, révélée il y a une dizaine de jours, Antony Blinken prévenait le président Ghani que l’option d’un retrait total au 1er mai restait d’actualité. Auquel cas, insistait-il, « la situation sécuritaire risque de se dégrader » et les talibans pourraient réaliser « des gains territoriaux rapides ».

Mais en privé, de hauts responsables militaires américains jugent qu’il est trop tard, d’un point de vue logistique, pour mener à bien le retrait dans les temps.  

Lorsqu’il était candidat, Joe Biden, bien que favorable à un départ pour mettre fin à cette « guerre éternelle », avait envisagé le maintien d’un petit contingent contre-terroriste — une option qui risquerait d’être considérée comme un casus belli par les talibans.

Dans l’impasse à Doha, les pourparlers de paix vont se déplacer jeudi à Moscou, où la Russie réunit les négociateurs des talibans et de Kaboul.

Moscou, qui a affiché son soutien à l’idée américaine d’un gouvernement avec les talibans, a également invité des représentants américains, pakistanais et chinois.

Zalmay Khalilzad y participera donc, et Washington a estimé que l’initiative russe s’inscrivait dans les « efforts internationaux pour soutenir le processus de paix afghan ».

L’ONU, qui ne participera pas à cette réunion, a dans le même temps désigné un envoyé spécial pour l’Afghanistan, le Français Jean Arnault.

L’administration Biden donne ainsi l’impression de vouloir internationaliser sa démarche pour sortir du tête-à-tête avec les acteurs afghans dans le cadre du processus de Doha.

A la demande d’Antony Blinken, la Turquie doit aussi organiser en avril une conférence de haut niveau sur la paix en Afghanistan.