(Nations unies) Les États-Unis ont appelé lundi « la communauté internationale à ne pas se laisser berner par l’élection présidentielle à venir en Syrie », lors d’une session du Conseil de sécurité de l’ONU où aucune nouvelle initiative n’a été avancée pour relancer un processus de résolution politique « dans l’impasse ».

« Ces élections ne seront ni libres ni équitables. Elles ne légitimeront pas le régime d’Assad » et « ne répondent pas aux critères de la résolution 2254 — supervision de l’ONU ou conduites conformément à une nouvelle Constitution », a martelé l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield.

Présidente en exercice du Conseil de sécurité, elle avait choisi de faire coïncider cette réunion mensuelle du Conseil avec le 10e anniversaire du début de la guerre, le 15 mars.

« Les troubles qui ont éclaté en mars 2011 en Syrie ont été utilisés par des forces extérieures pour attiser la situation dans le pays. Leur objectif était de renverser les autorités syriennes légitimes et de remodeler le pays à leurs mains », a riposté son homologue russe, Vassily Nebenzia, reprenant une antienne classique de Moscou.

« Des groupes armés illégaux, y compris internationaux, en ont profité » pour proliférer, a-t-il insisté, en réclamant à nouveau le départ des troupes étrangères de Syrie non voulues par Damas.

Dans un communiqué commun, les ministres des Affaires étrangères des États-Unis, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et du Royaume-Uni ont par ailleurs affirmé qu’ils « n’abandonneraient pas le peuple syrien » et ont appelé à rejeter le scrutin prévu par le régime de Bachar al-Assad.

« L’élection présidentielle syrienne prévue cette année ne sera ni libre ni juste, et elle ne doit pas non plus mener à une quelconque normalisation internationale du régime syrien », ont souligné les chefs de la diplomatie des cinq pays occidentaux.

« Le processus politique, quel qu’il soit, a besoin de la participation de tous les Syriens, dont les membres de la diaspora et les personnes déplacées, afin que toutes les voix soient entendues », ont-ils précisé, avant d’ajouter : « L’impunité n’est pas acceptable, et nous continuerons fermement d’insister que des comptes soient rendus pour les crimes les plus graves. »

En attendant, le processus en faveur d’un règlement politique ouvrant la voie à la paix en Syrie est « bloqué », « dans l’impasse », sur fond de « crise économique profonde », relevait vendredi le représentant à Damas de la Croix-Rouge internationale (CICR), Philip Spoerri.

« Syriens désespérés »

« Les Syriens sont réellement désespérés », a-t-il indiqué à quelques médias, dont l’AFP, en évoquant une « réalité vraiment déprimante » dans les camps de réfugiés où, sans école, les enfants « n’ont pas d’avenir ».

Ambassadeur du Niger, Abdou Abarry a lancé lundi un cri d’alarme au Conseil de sécurité en réclamant que « la Syrie cesse d’être un laboratoire des horreurs ».

« Au lieu de jouer la montre et de détourner le sujet, le régime d’Assad devrait libérer ceux qui sont arbitrairement détenus — en particulier les femmes, les enfants et les personnes âgées », a renchéri Linda Thomas-Greenfield.

« La population a absolument besoin d’une aide internationale collective », a convenu Vassily Nebenzia, dont le pays a pourtant fait réduire drastiquement en juillet les points d’entrée dans le pays ne nécessitant pas l’aval de Damas.

Le seul point de passage encore en vigueur, à la frontière turque, est autorisé par le Conseil de sécurité jusqu’en juillet, mais Moscou, premier soutien de la Syrie et soucieux de faire reconnaître sa totale souveraineté, a déjà laissé entendre qu’il s’opposerait à son renouvellement.

Sans entrer dans les détails, l’émissaire de l’ONU pour la Syrie, le Norvégien Geir Pedersen, a plaidé de son côté pour la création d’un « nouveau format international » pour relancer la recherche d’une issue politique au conflit.

Évoquant des « acteurs internationaux clés », il a estimé que ce nouveau format devrait inclure les États-Unis, la Russie, l’Iran, la Turquie, l’Union européenne et des pays arabes, dont plusieurs songent à un retour de la Syrie dans la Ligue arabe.

Ce dernier mouvement est vivement soutenu par Moscou. Il ne peut être décidé que par la Ligue arabe, a fait valoir, prudent, Geir Pedersen, interrogé à ce sujet lors d’une conférence de presse.

Dans leur communiqué commun, les États-Unis, la France, l’Allemagne, l’Italie, et le Royaume-Uni ont « réitéré leur soutien déterminé » à M. Pedersen, déclarant que « nous ne pouvons pas laisser cette tragédie durer une autre décennie ».