(Ankara) La Turquie a multiplié vendredi les gestes d’ouverture en direction de l’Égypte, appelant à « renforcer » les contacts pour mettre fin à près d’une décennie de crise, au moment où Ankara cherche à rompre son isolement régional.

Ankara mène depuis plusieurs semaines une offensive de charme pour réparer ses relations avec Le Caire, qui se sont fortement dégradées depuis la destitution en 2013 du premier président démocratiquement élu d’Égypte, Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans et soutenu par la Turquie.

Ces efforts s’inscrivent dans un contexte où Ankara cherche à sortir de son isolement diplomatique en Méditerranée orientale, où la découverte d’importants gisements de gaz naturel ces dernières années a donné lieu à un partage entre les pays riverains dont la Turquie se sent exclue.

Cité par l’agence de presse étatique Anadolu, le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu a affirmé vendredi que des « contacts au niveau diplomatique ont débuté avec l’Égypte […] sans préalable » de part et d’autre.

Ces contacts ont lieu « juste un cran au-dessous du plus haut niveau », a indiqué plus tard le président Recep Tayyip Erdogan.

« Bien sûr, nous voudrions poursuivre ce processus en le renforçant. Une fois que les contacts sécuritaires, diplomatiques et politiques auront produit des résultats, nous pourrons porter cela à un niveau plus élevé », a-t-il ajouté.

« Petit à petit »

Mais une réconciliation entre ces deux poids lourds du monde musulman ne semble pas évidente, tant les échanges ont été acrimonieux ces dernières années.

M. Erdogan a plusieurs fois qualifié l’actuel dirigeant égyptien Abdel Fattah al-Sissi de « putschiste », même s’il a mis ses critiques en sourdine ces derniers mois.

De ce fait, la reprise des relations entre les deux pays se fait « petit à petit » et suivant une « feuille de route », a indiqué vendredi M. Cavusoglu.

« Lorsque les relations ont été interrompues pendant des années, ce n’est pas facile d’agir comme si rien ne s’était passé », a-t-il souligné.  

La Turquie fait depuis plusieurs semaines les yeux doux à l’Égypte, qui est jusqu’à présent restée impassible.

Un responsable égyptien cité par des médias de son pays a même nié vendredi toute « reprise » du dialogue diplomatique, soulignant que des contacts existaient déjà avec la présence de chargés d’affaires dans les deux capitales.

« Porter les relations entre l’Égypte et la Turquie à un niveau plus élevé exige de prendre en compte le cadre diplomatique et légal qui détermine les relations entre les nations, sur la base du respect du principe de souveraineté », a ajouté ce responsable, sous couvert d’anonymat.

Dans le cadre de l’offensive de charme d’Ankara, le chef de la diplomatie turque s’était dit début mars « prêt » à négocier un accord de délimitation maritime avec l’Égypte en Méditerranée orientale, après que le Caire eut conclu un tel accord avec Athènes, au grand dam d’Ankara.

Chypre, la Grèce, l’Égypte, Israël, la Jordanie, l’Italie et les Territoires palestiniens ont créé en 2019 le « Forum du gaz de la Méditerranée orientale », sans inclure la Turquie.

Se sentant mis au ban, Ankara a multiplié les forages d’exploration unilatéraux depuis l’an dernier, s’attirant les foudres des pays riverains.

Main tendue à Riyad

Au-delà de l’Égypte, Ankara s’efforce d’apaiser ses relations avec ses autres voisins en Méditerranée orientale, comme la Grèce et Israël, et avec les puissantes monarchies du Golfe, Arabie saoudite et Émirats arabes unis en tête.

« Il n’y a pas de raison pour que nos relations avec l’Arabie saoudite ne s’améliorent pas », a ainsi déclaré vendredi M. Cavusoglu. « S’ils adoptent une attitude positive, nous le ferons aussi. La même chose est valable pour les Émirats ».

Les relations entre Ankara et ces deux pays ont été empoisonnées ces dernières années par le soutien de la Turquie au Qatar, rival de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, et par l’assassinat de l’éditorialiste saoudien Jamal Khashoggi au consulat de son pays à Istanbul en 2018.

Des responsables turcs ont accusé le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, homme fort du royaume, d’avoir donné l’ordre de ce meurtre.

Ces rivalités s’expriment aussi dans le conflit en Libye, où la Turquie soutient le gouvernement de Tripoli, tandis que l’Égypte, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite appuient un pouvoir dissident basé dans l’est du pays.