(Vienne) Les Européens ont choisi de durcir le ton face à l’Iran et vont soumettre cette semaine à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) une résolution condamnant la récente suspension par Téhéran de certaines inspections, ont rapporté lundi des sources diplomatiques.

Dans ce texte consulté, l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne (groupe appelé E3) « expriment leurs vives inquiétudes » et « appellent l’Iran à reprendre immédiatement » l’ensemble du programme d’inspections prévu par l’accord de 2015.

La Russie et la Chine pas d’accord

Appuyée par les États-Unis, la résolution devrait être soumise au vote du Conseil des gouverneurs de l’AIEA vendredi, mais elle ne fait pas l’unanimité parmi les autres signataires du pacte, Moscou et Pékin en tête.

La Russie a ainsi mis en garde contre « des mesures maladroites et irresponsables susceptibles de miner les perspectives d’un rétablissement intégral » de l’accord « dans un futur proche », selon un tweet de l’ambassadeur russe Mikhail Ulyanov.

De son côté, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, avait auparavant dénoncé « une mauvaise manœuvre ».

Cette initiative, « prise au total mépris des échanges constructifs avec l’Agence, serait absolument contreproductive et destructive », avait prévenu la République islamique dans une note informelle adressée aux États membres et consultée par l’AFP.

Les Européens avaient déjà déjà lancé un avertissement à l’Iran dans ce même cadre de l’AIEA en juin 2020, face au refus d’accès à deux sites suspects. Il s’agissait alors de la première résolution critique depuis 2012.

L’Iran menace de rompre

En cas d’adoption du texte, l’Iran a menacé de « mettre fin » à l’accord technique temporaire conclu le 21 février avec l’AIEA, permettant à l’agence onusienne de maintenir une surveillance, bien que réduite, le temps que les pourparlers diplomatiques reprennent.

« C’est le risque à prendre », a réagi un diplomate. Il s’agit d’une question de « crédibilité » du Conseil des gouverneurs de l’agence, qui ne peut, selon lui, céder au « chantage des Iraniens ».

Mais l’Iran argue de son côté avoir « accordé de bonne foi un répit à l’autre partie », en acceptant de fournir à l’AIEA l’ensemble des données des caméras et autres outils de contrôle si les sanctions sont levées d’ici à trois mois.

Le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, avait un peu plus tôt appelé devant la presse à « préserver » le travail d’inspection, qui ne saurait être utilisé comme « une monnaie d’échange dans les négociations ».

Il a décrit la limitation des contrôles comme une « perte immense », même si les agents sur place ont pour l’heure les moyens de continuer à vérifier la nature pacifique du programme nucléaire iranien.

« Retenue »

« L’Iran a montré de la retenue en négociant cet accord technique avec l’AIEA et ce serait de la folie si les Américains gaspillaient le temps ainsi gagné », commente pour l’AFP Kelsey Davenport, directrice de la politique de non-prolifération au sein de l’Arms Control Association, appelant Washington à faire un « geste concret ».

Le « plan d’action global commun », communément désigné par son acronyme anglais « JCPOA », ne tient plus qu’à un fil depuis le retrait américain en 2018 à l’initiative de Donald Trump, et le rétablissement des sanctions.  

Le nouvel hôte de la Maison-Blanche, Joe Biden, a promis de revenir dans son giron « si » l’Iran respectait à nouveau le contrat.

Mais à l’inverse, Téhéran, qui exige au préalable une levée des mesures punitives qui asphyxient son économie, a franchi ces dernières semaines un nouveau cran dans son désengagement du JCPOA (passage à un niveau d’enrichissement d’uranium de 20 %, production d’uranium métal et limitation des inspections).

Dimanche soir, la République islamique a jugé que le moment n’était pas approprié pour une rencontre proposée par l’Union européenne (UE) et incluant les États-Unis.

« Il ne fait pas de doute que des forces d’influence à Washington ont œuvré pour faire dérailler cette rencontre » a estimé le vice ministre des Affaires étrangères russe, Sergei Ryabkov, cité par l’agence d’État TASS, condamnant les raids américains de vendredi dernier contre des miliciens pro-iraniens en Syrie.

Malgré ce contretemps, les Européens ont réaffirmé leurs efforts pour renouer le dialogue.

La France a « regretté » ce refus iranien d’une réunion informelle. « Nous demeurons pleinement mobilisés pour travailler avec nos partenaires E3 à toute solution négociée » en vue de rétablir pleinement l’accord nucléaire, a déclaré une porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Même tonalité du côté de l’Allemagne, qui a dit œuvrer avec Paris et Londres « à ce que les discussions constructives entre les participants actuels au JCPOA et les États-Unis aient lieu ».