(Téhéran) L’Iran a enclenché lundi le processus destiné à produire de l’uranium enrichi à 20 % à l’usine souterraine de Fordo, sa principale mesure de désengagement de l’accord nucléaire international annoncée dans un contexte de tensions accrues avec les États-Unis.

Le même jour, l’armée idéologique du pouvoir en Iran, les Gardiens de la Révolution, a indiqué avoir saisi un pétrolier battant pavillon sud-coréen dans les eaux du Golfe, où sont déployés des navires américains. Séoul a réclamé la libération du navire.

L’Iran a commencé à s’affranchir de ses principaux engagements en vertu de l’accord de 2015 sur son programme nucléaire en mai 2019, un an après le retrait unilatéral des États-Unis suivi du retour de lourdes sanctions américaines contre Téhéran.

Accusée de vouloir se doter de l’arme atomique par les États-Unis et Israël, ses ennemis jurés, la République islamique a toujours nié.

Les États-Unis ont dénoncé lundi la récente décision iranienne.

« L’enrichissement d’uranium à 20 % par l’Iran à Fordo est une tentative claire d’accentuer sa campagne de chantage nucléaire, une tentative qui continuera d’échouer », a indiqué un porte-parole du département d’État.

L’administration de Donald Trump mène une campagne de « pression maximale contre l’Iran » et les tensions entre les deux pays ont fortement augmenté avec notamment des sabotages, attaques et saisies de navires et un drone abattu dans le Golfe.

« Le processus pour produire de l’uranium enrichi à 20 % a commencé au complexe d’enrichissement Shahid Alimohammadi (Fordo) », à 180 km au sud de Téhéran, a déclaré Ali Rabii, porte-parole du gouvernement, cité par la télévision d’État.

Selon lui, le président Hassan Rohani a donné l’ordre « ces derniers jours » et « le processus d’injection de gaz a commencé il y a quelques heures ».

« Nos actions correctives ont été prises conformément à l’article 36 de l’accord, après des années de non-respect du pacte par ses participants. Nos mesures restent réversibles si toutes les parties à l’accord s’y conforment » à nouveau, a tweeté Mohammad Javad Zarif, chef de la diplomatie iranienne.

« Obligé »

Notifiée fin décembre par Téhéran, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a confirmé que l’Iran avait commencé à enrichir de l’uranium à 20 %, niveau pratiqué avant l’accord, loin des 90 % nécessaires pour une utilisation militaire.

« Le directeur général Rafael Mariano Grossi a informé les États membres de l’AIEA que l’Iran avait commencé à alimenter en uranium déjà enrichi à 4,1 % six cascades de centrifugeuses », selon une déclaration transmise à l’AFP.

D’après le dernier rapport publié en novembre par l’agence onusienne, Téhéran enrichissait de l’uranium à un degré supérieur à la limite prévue par l’accord (3,67 %), mais ne dépassait pas le seuil de 4,5 %, et se pliait toujours à ses inspections.

Mais le dossier a connu des soubresauts après l’assassinat fin novembre près de Téhéran d’un physicien nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh.

Dans la foulée de cette attaque attribuée par l’Iran à Israël, le Parlement iranien, à majorité conservatrice, a adopté une loi préconisant de produire et de stocker au « moins 120 kg par an d’uranium enrichi à 20 % » et de « mettre fin » aux inspections de l’AIEA.

Le gouvernement de M. Rohani, un modéré, s’y était opposé. Mais le Conseil des Gardiens de la Constitution, arbitre entre le gouvernement et le Parlement, a approuvé la loi en décembre.  

M. Rabii a expliqué lundi que la position du gouvernement restait la même « mais qu’il se considérait obligé de mettre (cette loi) en œuvre ».

L’accord nucléaire a été conclu à Vienne en 2015 après des années d’âpres négociations entre l’Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité — Royaume-Uni, Chine, France, Russie, États-Unis — plus l’Allemagne.

Le porte-avions USS Nimitz dans le Golfe

L’Union européenne a averti que l’enrichissement à 20 % « constituerait une entorse considérable » aux engagements iraniens « avec de graves conséquences en matière de non-prolifération ».

« Il ne faut pas dramatiser. Le programme nucléaire reste totalement transparent et vérifiable. Nous devons nous concentrer sur les moyens de rétablir la mise en œuvre globale de l’accord », a affirmé Mikhaïl Oulianov, ambassadeur russe auprès de l’AIEA.

Pour le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, l’annonce sur l’enrichissement reflète « les intentions (de l’Iran) de développer son programme nucléaire militaire ».

L’annonce iranienne intervient dans un contexte de tensions accrues surtout après le premier anniversaire de l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani dans une attaque américaine à Bagdad et que Téhéran a promis de « venger ».

Dans les eaux du Golfe, les Gardiens de la révolution ont annoncé la saisie du pétrolier « Hankuk Chemi » accusé d’avoir enfreint « les lois sur l’environnement marin », et l’arrestation de son équipage.

Face à ce qu’il a présenté comme des « menaces » iraniennes, le Pentagone a indiqué avoir décidé de laisser finalement le porte-avions USS Nimitz dans le Golfe.

Ces développements surviennent à environ deux semaines de la fin du mandat de Donald Trump et alors que la prise de fonctions de Joe Biden fait espérer un apaisement.