(Beyrouth) Le gouverneur de la Banque centrale du Liban a estimé mardi dans une interview à l’AFP que le Liban avait besoin de 12 à 15 milliards de dollars pour relancer son économie, qui s’effondre depuis plus de deux ans.

Le Liban traverse depuis 2019 une crise économique sans précédent, l’une des pires dans l’histoire du monde depuis 1850, selon la Banque mondiale.

Conséquence de cette dépression : le salaire minimum ne dépasse pas les 25 dollars sur le marché noir, et quatre Libanais sur cinq sont considérés comme pauvres, selon l’ONU.

Pour le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, « la quote-part du Liban au Fonds monétaire international (FMI) est de 4 milliards de dollars », mais d’autres pays ou des institutions financières pourraient contribuer à aider le Liban à atteindre la somme de « 12 à 15 milliards de dollars » nécessaire pour « relancer son économie ».

Le gouvernement libanais a repris en novembre les discussions avec le FMI, mais n’a pas encore entamé les réformes demandées par la communauté internationale pour venir en aide au Liban.

Fonte des réserves en devises

Lourdement endetté, le Liban a annoncé en mars 2020 le premier défaut de paiement de son histoire. Depuis, les réserves obligatoires en devises étrangères du Liban ont chuté à 12,5 milliards de dollars, une baisse de plus de 50 % depuis le début de la crise économique en 2019.

« Les réserves obligatoires (que la Banque centrale ne peut pas utiliser, NDLR) atteignent aujourd’hui environ 12,5 milliards de dollars » (environ 11,06 milliards d’euros), a déclaré mardi Riad Salamé, qui a précisé que cette institution disposait de 1,5 milliard de dollars en surplus pour maintenir le système de subventions pour « six à neuf mois » supplémentaires.

Mais un ancien responsable de la Banque centrale a indiqué mardi à l’AFP que « les réserves obligatoires avaient été entièrement épuisées », précisant qu’il y avait « un manque total de transparence » de la part de l’institution.

Ce responsable ainsi que l’analyste Henri Chaoul ont estimé que le surplus « provenait probablement des droits de tirage spéciaux (DTS) que le Liban a obtenu du FMI en septembre ».

Les DTS sont émis pour aider les pays à faire face à des situations de crises. Il s’agit d’un moyen pour les États d’augmenter leurs réserves en les échangeant à de faibles taux d’intérêt. En 2021, des DTS ont été émis pour faire face à l’épidémie de la COVID-19.

M. Chaoul a ajouté que M. Salamé « pouvait s’autoriser lui-même à utiliser les réserves obligatoires en publiant une circulaire », bien qu’une législation spéciale soit nécessaire dans ce cas.  

Accord avec le FMI

Vu l’adoption de plusieurs taux de change par la Banque centrale et l’existence d’un taux de change sur le marché noir, M. Salamé a estimé que le taux officiel « n’est plus réaliste » et que l’unification des taux n’était pas envisageable à ce stade, avant un accord avec le FMI et une stabilité politique.  

Fixée officiellement depuis 1997 au taux de 1507 livres pour un dollar, la monnaie nationale a atteint un taux de change record d’environ 30 000 livres pour un dollar en décembre sur le marché noir.  

Actuellement, les discussions du Liban avec le FMI sont toujours au stade du diagnostic de la situation financière, a indiqué M. Salamé : « Le Liban n’a pas encore présenté de plan au FMI », a-t-il dit.

Initialement entamées en mai 2020, les premières négociations ont fini par dérailler deux mois plus tard sur fond de divisions — côté libanais — sur la répartition des pertes. Jeudi, le vice-premier ministre, Saadé Chami, a déclaré à l’AFP que les responsables libanais ont convenu que ces pertes s’élevaient à « environ 69 milliards de dollars ».

En plus de défendre sa politique monétaire, le gouverneur de la Banque centrale fait face à une série de poursuites judiciaires au Liban et en Europe notamment. Il est accusé de blanchiment d’argent et d’avoir transféré de l’argent vers l’étranger via la Banque centrale.  

M. Salamé a lui affirmé que les plaintes étaient fondées sur des informations fournies par des Libanais « pour des raisons politiques, idéologiques ou liées à certains intérêts ».