(Beyrouth) Le juge chargé de l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth en 2020 a été contraint jeudi, pour la troisième fois, de suspendre ses investigations à la suite du recours d’un ancien ministre, a indiqué une source judiciaire à l’AFP.

Tareq Bitar est soumis à d’intenses pressions, notamment de la part du puissant Hezbollah pro-iranien qui l’accuse de politiser l’enquête sur cette explosion qui a fait plus de 215 morts, et exige son remplacement.

L’affaire paralyse le gouvernement, qui ne s’est plus réuni depuis trois semaines en raison des exigences du Hezbollah, et a dégénéré en violences qui ont fait sept morts le 14 octobre.

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L’explosion, survenue le 4 août 2020 et causée par le stockage sans mesures de précaution d’énormes quantités de nitrate d’ammonium, a fait au moins 214 morts, plus de 6500 blessés et 300 000 sans-abris.

Le magistrat « a été informé par la Cour de cassation d’un recours présenté par l’ancien ministre Youssef Fenianos (..) ce qui l’a contraint à suspendre l’enquête », a précisé la source judiciaire.

M. Bitar avait lancé en septembre un mandat d’arrêt resté sans exécution à l’encontre de cet ancien ministre des Travaux publics après son refus de comparaître.

Les responsables politiques de tous bords refusent d’être interrogés par le juge, même si les autorités ont imputé le drame, qui a détruit des quartiers entiers de Beyrouth, au stockage sans mesures de précaution d’énormes quantités de nitrate d’ammonium.

Les politiciens mis en cause ont déposé quinze plaintes au total contre le juge Bitar pour entraver l’enquête, selon la source judiciaire, le forçant à suspendre ses investigations à deux reprises en octobre et en septembre.

Certains craignent que le magistrat ne connaisse le même sort que son prédécesseur, Fadi Sawan, écarté en février après l’inculpation de hauts responsables.

Pointées du doigt pour négligence criminelle, les autorités sont accusées par les familles des victimes et des ONG de torpiller l’enquête pour éviter des inculpations.