(Dubaï) Les Émirats arabes unis ont rappelé samedi leurs diplomates à Beyrouth, quatrième monarchie arabe du Golfe à prendre des mesures de rétorsion contre le Liban après des propos d’un ministre libanais critiquant l’intervention de l’Arabie saoudite dans la guerre au Yémen.

Cette grave crise intervient alors que le gouvernement du premier ministre libanais Najib Mikati misait sur une potentielle aide financière des riches monarchies du Golfe pour relancer l’économie du pays en plein effondrement.

M. Mikati s’est démarqué des propos du ministre de l’Information George Kordahi, nommé au gouvernement par un parti chrétien allié au mouvement pro-iranien Hezbollah, poids lourd de la politique libanaise, et l’a appelé implicitement à démissionner.

Pour les experts, la crise va au-delà des propos du ministre et reflète une lutte d’influence entre l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite, dont le Liban paie le lourd tribut.

Après l’Arabie saoudite, Bahreïn et le Koweït, les Émirats arabes unis ont annoncé le retrait de leurs diplomates du Liban en « solidarité » avec l’Arabie saoudite. Ils ont en outre interdit aux citoyens émiratis de se rendre au Liban.

Le Koweït a le même jour annoncé le rappel de son ambassadeur du Liban et le départ du chargé d’affaires libanais sous 48 heures.

Il a expliqué sa décision par l’« échec » du gouvernement libanais à « répondre aux propos inacceptables et répréhensibles tenus contre l’Arabie saoudite et le reste des (six pays) du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ».

Le Qatar condamne

Des centaines de milliers de Libanais travaillent dans les pays formant le CCG – Arabie saoudite, Émirats, Qatar, Bahreïn, Koweït et Oman.

Le Qatar a lui condamné les propos « irresponsables » de M. Kordahi, mais il n’a pas pris de mesures de rétorsion, appelant seulement le gouvernement libanais à agir « pour surmonter les dissensions entre [pays] frères ».

En brouille pendant trois ans, le Qatar et l’Arabie saoudite ont renoué au début de l’année. Riyad avait entre autres reproché à Doha de se rapprocher de l’Iran chiite, grand rival de l’Arabie saoudite sunnite.

Et Oman a appelé les différentes parties à œuvrer « pour éviter l’escalade et régler les différends par le dialogue ».

Dans une émission télévisée datant du 5 août et diffusée lundi, M. Kordahi, qui n’était pas alors encore ministre, a qualifié « d’absurde » l’intervention de la coalition militaire dirigée par Riyad dans la guerre au Yémen opposant depuis 2014 pouvoir et rebelles. Il a affirmé que les insurgés se défendaient « face à une agression extérieure ».

Intervenue en 2015 au Yémen, cette coalition à laquelle participent aussi les Émirats arabes unis et Bahreïn, soutient le pouvoir face aux rebelles appuyés par l’Iran qui a toujours démenti les accusations selon lesquelles il fournit des armes aux houthis.

Chef de file du CCG, le royaume saoudien avait été le premier à rappeler vendredi son ambassadeur au Liban et à décider l’expulsion de l’ambassadeur libanais. Il a également décidé d’arrêter toutes les importations libanaises.

« Il n’y a pas de crise avec le Liban, mais une crise au Liban en raison de l’hégémonie iranienne », a déclaré samedi le ministre saoudien des Affaires étrangères Fayçal ben Farhan à la chaîne de télévision Al-Arabiya. « La dominance du Hezbollah sur le système politique au Liban nous inquiète. »

Bahreïn a également décidé d’expulser l’ambassadeur libanais.

« Regret profond »

Après le tollé, M. Kordahi a souligné que ses propos reflétaient son « opinion personnelle » avant sa nomination ministre de l’Information. Mais il a refusé de s’excuser.

M. Mikati a dit « regretter profondément » la décision de Riyad, affirmant que les propos de M. Kordahi « ne reflétaient en aucun cas la position du gouvernement ».

Mais le Hezbollah, allié indéfectible de l’Iran, a dit qu’il s’opposait à toute démission.

Le président libanais Michel Aoun, un allié du Hezbollah, s’est dit « soucieux d’avoir les meilleures relations avec l’Arabie saoudite sœur », critiquant ceux « qui provoquent des crises entre les deux pays ».

En mai, le ministre libanais des Affaires étrangères du gouvernement précédent, Charbel Wehbé, a dû démissionner après avoir qualifié les pays du Golfe de « bédouins » et les avoir accusés de liens avec le groupe djihadiste État islamique.

Après la réunion à Beyrouth d’une cellule de crise formée par M. Mikati en présence du numéro deux de l’ambassade américaine, Richard Michaels, le ministre de l’Éducation Abbas Halabi a déclaré avoir « bon espoir » de régler la crise avec les monarchies du Golfe.