(Washington) Les États-Unis n’ont pas fait suffisamment pression sur l’ex-président afghan Ashraf Ghani pour qu’il accepte de partager le pouvoir avec les talibans, a déploré l’émissaire américain pour l’Afghanistan qui vient de démissionner, dans un entretien diffusé dimanche sur la chaîne CBS.

S’exprimant pour la première fois depuis sa démission annoncée le 18 octobre, Zalmay Khalilzad a défendu vivement l’accord de retrait des forces américaines qu’il avait négocié avec les talibans sous la présidence de Donald Trump. Et exprimé quelques réserves indirectes sur sa mise en œuvre par l’actuel président Joe Biden.

« L’accord était un ensemble conditionnel » qui prévoyait notamment « des négociations » entre les insurgés et le gouvernement de Kaboul ainsi qu’un « cessez-le-feu global permanent », a expliqué le diplomate.

Mais une fois arrivé à la Maison-Blanche, le président Biden a pris la « décision de mettre en œuvre le retrait sur la base d’un calendrier », sans tenir compte de ces conditions, a-t-il relevé.

« C’est une décision prise bien au-dessus de moi », a-t-il ajouté, regrettant que « certains » à Washington fassent de lui un bouc émissaire pour le départ chaotique d’Afghanistan et la prise du pouvoir par les islamistes.

« On hérite toujours d’accords », « soit vous acceptez de les mettre en œuvre, soit vous dites “non, je veux renégocier” », a-t-il poursuivi.

Le gouvernement démocrate estime que, ayant hérité de l’accord négocié par l’équipe Trump, il n’avait d’autre choix que de quitter l’Afghanistan, car les négociations de paix interafghanes étaient dans l’impasse et les talibans auraient repris leurs attaques contre les forces américaines si elles étaient restées.

Zalmay Khalilzad reconnaît cette situation, et admet que les choses ne se sont pas déroulées comme il le souhaitait.

Mais le diplomate semble en imputer l’essentiel de la responsabilité au gouvernement afghan de l’ex-président Ashraf Ghani, qui selon lui n’a jamais accepté de partager le pouvoir alors même que les talibans étaient en position de force militairement.

« Ils préféraient le statu quo à un règlement politique », a-t-il expliqué.

« Nous avons été gentils avec le président Ghani. Nous avons été diplomates. Nous l’avons encouragé », mais « je pense que nous n’avons pas fait assez pression sur lui », a-t-il ajouté.

Selon lui, dans le cadre de l’accord de retrait conditionnel initial, les talibans auraient fini par accepter un partage du pouvoir, mais Ashraf Ghani s’est accroché à son poste, bloquant toute solution. Il déplore que Washington ne l’ait pas clairement menacé de cesser son soutien militaire pour le faire plier.

Zalmay Khalilzad a aussi réaffirmé que la fuite du président afghan, le 15 août, avait précipité la victoire totale des talibans et fait capoter un accord, négocié par les États-Unis, pour une transition plus en douceur et une forme de partage du pouvoir.

« Cela a renforcé les talibans les plus radicaux », très influents dans le nouveau gouvernement afghan, a-t-il déclaré. Il a ajouté qu’une issue plus ordonnée, conformément au plan initial, aurait au contraire « renforcé les plus modérés, ceux qui étaient impliqués dans les négociations ».