(Washington) L’envoi de milliers de soldats américains en Afghanistan pour évacuer des civils de Kaboul, la capitale menacée par les victoires éclair des talibans, a ravivé jeudi aux États-Unis le douloureux souvenir de la chute de Saïgon.

La photo qui a immortalisé aux États-Unis la défaite américaine au Vietnam, qui montre des réfugiés embarquant à bord d’un hélicoptère sur le toit d’un immeuble, fleurissait sur les réseaux sociaux après l’annonce du Pentagone, qui a remobilisé jusqu’à 8000 soldats pour sécuriser l’évacuation de civils de la capitale afghane.

En raison de « l’accélération des offensives militaires des talibans » et de « la hausse de la violence et de l’instabilité », Washington a décidé de « réduire encore davantage » sa présence diplomatique à Kaboul, a annoncé le porte-parole du département d’État Ned Price.

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Le porte-parole du département d’État Ned Price

Pour mener à bien cette évacuation de diplomates américains, le Pentagone va déployer 3000 soldats à l’aéroport international de la capitale afghane, a précisé son porte-parole John Kirby. Un millier d’autres seront envoyés au Qatar en soutien technique et logistique, tandis que 3500 à 4000 vont être prépositionnés au Koweït pour faire face à une éventuelle dégradation de la situation.

Le chef des républicains au Sénat américain Mitch McConnell a éreinté l’administration démocrate de Joe Biden pour ces décisions.

« L’Afghanistan fonce vers un immense désastre, prévisible et qui aurait pu être évité. Et les tentatives surréalistes de l’administration pour défendre la politique dangereuse du président Biden sont franchement humiliantes », a tonné le vétéran du Sénat dans un communiqué.

« Les décisions du président Biden nous précipitent vers une suite encore pire que la chute humiliante de Saïgon en 1975 », a-t-il ajouté.

« Zéro » comparaison possible ?

Pourtant, depuis l’annonce à la mi-avril d’un retrait total des forces étrangères d’Afghanistan d’ici au 11 septembre, l’administration de M. Biden a tout fait pour éviter le parallèle avec le Vietnam.  

Récemment, le président américain affirmait qu’il y avait « zéro » comparaison possible entre le départ d’Afghanistan et la fin piteuse de la guerre au Vietnam. « Il n’y aura personne qu’il faudra évacuer par les airs du toit d’une ambassade américaine en Afghanistan. Ce n’est pas du tout comparable », assurait-il.

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Un Marine américain assure la protection d’un hélicoptère atterrissant sur l’île d’Okinawa au Japon lors de la chute de Saïgon en avril 1975.

« Je peux avoir tort, on ne peut pas prédire l’avenir, mais je ne vois pas Saïgon 1975 en Afghanistan », renchérissait deux jours plus tard le chef d’état-major américain, le général Mark Milley. « Les talibans ne sont pas l’armée nord-vietnamienne », ajoutait-il avec dédain.

Pressé de questions jeudi sur la nouvelle mission des militaires américains à Kaboul, le porte-parole du Pentagone John Kirby a refusé de la qualifier d’« opération d’évacuation de non-combattants », dite NOE dans le jargon militaire américain. Il a aussi indiqué que cette opération n’avait pas de nom et évité de parler d’évacuations.

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Le porte-parole du département de la Défense, John Kirby

La mission « NOE » la plus célèbre est l’opération « Frequent Wind », au cours de laquelle plus de 7000 civils vietnamiens ont été évacués de Saïgon les 29 et 30 avril 1975 par hélicoptère.

Questionné sur l’image qu’allait donner le départ de diplomates américains sous protection militaire et l’inévitable comparaison avec la chute de Saïgon, M. Kirby a tenté de souligné les différences avec le Vietnam de 1975.

Nous ne laissons pas tomber les forces afghanes. Nous n’éliminons pas complètement notre présence diplomatique sur le terrain

John Kirby

« Personne n’abandonne l’Afghanistan », a-t-il ajouté. » Ce n’est pas les laisser tomber, c’est faire ce qu’il faut quand il faut pour protéger les nôtres « .

Les talibans, qui ont pris le contrôle de 12 des 34 capitales provinciales afghanes en une semaine, ont affirmé jeudi avoir pris Kandahar, la deuxième ville du pays.