Dans la capitale libanaise comme à Montréal, des rassemblements ont souligné mercredi la perte d’au moins 214 vies dans l’explosion au port de Beyrouth il y a un an. Les Libanais ont aussi demandé justice, dénonçant la corruption.

« C’est comme si ça venait d’arriver. On n’oublie jamais », a dit à La Presse Marie Karim, physiothérapeute de 59 ans.

L’an dernier, elle se trouvait dans son domicile du quartier Achrafieh, à Beyrouth, lorsque l’explosion a retenti, précise-t-elle. Elle est revenue à Montréal le mois suivant, retrouvant la majorité de sa famille, établie au Québec depuis le début des années 1990.

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Rassemblement au port de Montréal pour marquer le premier anniversaire de l’explosion à Beyrouth

Mercredi, elle participait à un rassemblement d’une trentaine de personnes au port de Montréal pour marquer le premier anniversaire de l’explosion à Beyrouth, survenue après un incendie dans un hangar où étaient stockées 2750 tonnes de nitrate d’ammonium, dans le port de la capitale libanaise. Plus de 6500 personnes ont été blessées et des milliers d’autres ont dû être relogées. En soirée, la diaspora était aussi invitée à une commémoration devant le consulat du Liban, à Outremont, en souvenir des victimes et pour réclamer justice.

Colère

« J’ai vécu la guerre et ça m’a pris des années à arrêter de sursauter au moindre bruit. Là, je ressens de la peur, de l’angoisse et une rage incroyable », a confié Mme Karim, qui portait un couvre-visage frappé d’un cèdre, l’emblème du Liban.

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Marie Karim, au port de Montréal, mercredi

Comme elle, des milliers de personnes au Liban ont exprimé leur colère face à cet évènement, imputé à la négligence de la classe politique. Le nitrate d’ammonium aurait été entreposé dans le port depuis plusieurs années sans mesures de précaution.

À Beyrouth, les familles des victimes et des militants ont organisé des marches, des veillées aux chandelles et des cérémonies religieuses. Une commémoration a aussi été organisée dans la caserne de pompiers du quartier Karantina, qui a perdu plusieurs membres de l’équipe envoyés au port le 4 août 2020 pour maîtriser un incendie avant que la grande explosion ne survienne.

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Des gens assistent à une messe à la mémoire des victimes au port de Beyrouth

Des heurts entre les forces de l’ordre et les manifestants, près du parlement libanais, ont aussi fait des dizaines de blessés mercredi.

Classe politique dénoncée

Au-delà du deuil pour les victimes, c’est la corruption que de nombreux participants aux rassemblements et aux manifestations ont voulu dénoncer, alors que le Liban vit une grave crise économique. Plus de la moitié des Libanais vit maintenant sous le seuil de la pauvreté et les pénuries touchent les biens essentiels.

Le gouvernement d’Hassan Diab a démissionné après l’explosion, mais personne n’a encore réussi à mettre sur pied un cabinet. Un nouveau premier ministre a été désigné le 26 juillet, Najib Mikati, mais la situation demeure inchangée.

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Najib Mikati, premier ministre désigné du Liban

Les politiciens sont accusés de bloquer la mise sur pied de réformes conditionnelles à une aide financière et de freiner l’enquête en ne s’entendant pas pour former le nouveau gouvernement.

« La plus grosse source de colère pour moi, c’est cette rage, cette haine que je porte envers ces dirigeants corrompus, qui ont détruit le pays et l’ont mis à genoux », a dit à La Presse la militante Caroline Codsi, présidente et fondatrice de La Gouvernance au féminin, un organisme sans but lucratif encourageant les femmes en affaires.

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Caroline Codsi, présidente et fondatrice de La Gouvernance au féminin

Elle a pris la parole lors du rassemblement au port de Montréal mercredi en fin de matinée, tout comme Denis Coderre, candidat à la mairie de Montréal, qui a participé brièvement à l’évènement, et le conseiller municipal Aref Salem.

« Il faut que la communauté internationale se mobilise », a appelé Mme Codsi.

Communauté internationale

Le président français Emmanuel Macron a annoncé une aide d’urgence de « près de 100 millions d’euros » de son pays sur les 12 prochains mois, pour subvenir aux besoins immédiats des Libanais.

Au-delà de l’aide financière, des Libanais espèrent voir davantage d’actions sur le plan politique de la part de la communauté internationale. Le président français Emmanuel Macron a d’ailleurs accusé mercredi les dirigeants libanais de « pourrissement » et les a menacés de sanctions. La France a déjà restreint l’accès à son territoire à certains responsables libanais.

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La musicienne Randa Ghossoub avait fabriqué un papillon en guise de couronne funéraire.

Organisatrice de la commémoration dans le port de Montréal, la musicienne Randa Ghossoub s’inquiétait de voir l’explosion toujours impunie, un an après les faits. « Je voulais commémorer les victimes, et demander la justice, la vérité, il faut qu’on la sache pour faire notre deuil », a-t-elle expliqué.

En guise de couronne funéraire, elle avait fabriqué un papillon, avec un long ruban orné de l’inscription : « En mémoire des victimes du port de Beyrouth ».

Avec l’Agence France-Presse

464 millions

Somme promise mercredi par la communauté internationale pour les besoins immédiats des Libanais

416 millions

Somme réunie lors des deux premières conférences internationales en 2020

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Une famille sur trois a des enfants montrant encore des signes de « détresse psychologique », selon l’UNICEF

Source : Agence France-Presse