(Téhéran) Trois jours après son élection à la présidence en Iran, l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi a déclaré lundi qu’il n’autoriserait pas des « négociations pour le plaisir » sur le dossier nucléaire et refusé une éventuelle rencontre avec le président américain Joe Biden.

M. Raïssi, qui passe pour être proche du guide suprême Ali Khamenei, a en revanche dit, à l’occasion de sa première conférence de presse depuis sa victoire, qu’il n’y avait « pas d’obstacles » à la reprise des relations diplomatiques — rompues depuis 2016 — avec le royaume sunnite d’Arabie saoudite, rival régional de la République islamique, chiite.  

Il a aussi affirmé avoir « toujours défendu les droits de l'homme », alors que les États-Unis et plusieurs ONG occidentales l’accusent d’être responsable de tortures et d’exécutions sommaires, entre autres violations, au cours de sa longue carrière au sein de l’appareil judiciaire.

Chef de l’Autorité judiciaire, M. Raïssi, qui doit prendre ses fonctions en août, a été élu avec les voix de moins d’un électeur sur trois lors d’un scrutin marqué par une abstention record pour une présidentielle.

Il a néanmoins salué devant la presse la « présence massive » de la population iranienne dans les bureaux de vote.

« Non »

Le président a des prérogatives limitées en Iran, où l’essentiel du pouvoir est aux mains de l’ayatollah Khamenei, ultime décideur notamment sur la question nucléaire.

Alors que des discussions se tiennent à Vienne pour sauver l’accord sur le nucléaire iranien conclu dans la capitale autrichienne en 2015, M. Raïssi a affirmé qu’il ne permettrait « pas de négociations pour le plaisir de négocier ».

Mais « toutes négociations garantissant les intérêts nationaux de l’Iran seront certainement soutenues », a-t-il ajouté.

Il répète ainsi la ligne fixée par M. Khamenei en avril selon laquelle ces négociations ne doivent pas « traîner en longueur ».

À Bruxelles, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a estimé n’avoir « aucune raison de croire » que M. Raïssi, une fois président adoptera « une position différente » de celle du gouvernement sortant sur les négociations.

L’accord de Vienne offre à l’Iran un allègement des sanctions occidentales et onusiennes en échange de son engagement à ne jamais se doter de l’arme atomique, et d’une réduction drastique de son programme nucléaire, placé sous un strict contrôle de l’ONU.

Mais il a été torpillé en 2018 par la décision de l’ex-président américain Donald Trump de s’en retirer et de rétablir les sanctions américaines que l’accord avait permis de lever.

Les négociations en cours à Vienne visent à réintégrer les États-Unis à l’accord.  

Il s’agirait d’obtenir un allègement des sanctions américaines en échange du retour de Téhéran à une application stricte du pacte, l’Iran ayant abandonné en riposte aux sanctions la plupart des garde-fous à ses activités nucléaires qu’il avait acceptés dans l’accord.

M. Raïssi a néanmoins répondu sèchement « non » à la question d’un média russe lui demandant s’il avait l’intention de rencontrer M. Biden dans le cas où les discussions de Vienne permettraient d’alléger les sanctions et afin de « régler » les problèmes entre les deux pays, ennemis depuis plus de 40 ans.

Un nouveau cycle de négociations s’est achevé dimanche sur une note positive à Vienne, et la conclusion d’un compromis pour relancer l’accord avant la prise de fonctions de M. Raïssi, comme l’a promis le président sortant Hassan Rohani, reste une possibilité.

M. Rohani, un modéré, a défendu une politique d’ouverture envers l’Occident ayant permis l’accord de 2015.  

Renouer avec Riyad ?

Sur les relations avec les Saoudiens, après une récente série de rencontres entre responsables deux pays riverains du Golfe, M. Raïssi a affirmé qu’il n’y avait « pas d’obstacles, du côté de l’Iran à la réouverture des ambassades »

Quant au dossier des droits de l'homme, il a renvoyé les Occidentaux à leurs propres « violations » dans le domaine.

Il a reproché « à certains pays revendiquant les droits de l’homme », comme la France, de donner « refuge » aux Moudjahidines du peuple (MEK en persan), groupe d’opposition islamo-marxiste en exil dont la direction est installée près de Paris, et accusé par Téhéran d’avoir tué « plus de 17 000 » Iraniens dans des « actions terroristes » depuis la décennie 1980.

Le Quai d’Orsay a dit avoir pris « acte » de l’élection de M. Raïssi en rappelant ses « préoccupations » sur « la situation des droits de l’homme » en Iran.

Interrogé en 2018 et en 2020 sur des exécutions de milliers d’opposants en 1988, M. Raïssi a nié y avoir joué un rôle, comme il en est accusé en Occident, mais a rendu « hommage » à l’« ordre » donné selon lui par l’ayatollah Khomeiny, fondateur de la République islamique, de procéder à cette épuration ayant visé principalement le MEK.