(Kaboul) Le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, a promis jeudi au cours d’une visite surprise en Afghanistan le maintien d’un « partenariat durable » avec ce pays même après le retrait des troupes américaines prévu pour être achevé le 11 septembre, le jour du 20e anniversaire des attentats de 2001.

Ce départ interviendra plusieurs mois après la date butoir du 1er mai, inscrite dans l’accord conclu par l’ancien président Donald Trump avec les talibans en février 2020 à Doha, tandis que les négociations entre Kaboul et les insurgés sont au point mort et que rien n’indique que les violences vont diminuer.

M. Blinken a rencontré le président afghan, Ashraf Ghani, ainsi que de hauts responsables américains en poste en Afghanistan, pour évoquer avec eux l’annonce mercredi par Joe Biden que l’heure était venue de « mettre fin à la plus longue guerre de l’Amérique », déclenchée après les attentats du 11 septembre 2001.

« Je voulais démontrer avec ma visite l’engagement continu des États-Unis envers la République islamique d’Afghanistan et son peuple », a déclaré M. Blinken à l’issue de sa rencontre avec le président Ghani. « Le partenariat change, mais le partenariat est durable », a-t-il ajouté.

M. Blinken a également promis que les États-Unis maintiendraient « leur soutien diplomatique et humanitaire à l’Afghanistan ainsi qu’à ses forces sécuritaires et de défense » et poursuivraient « leurs efforts en vue de faciliter le processus de paix afghan », selon un communiqué du palais présidentiel afghan.

Le secrétaire d’État américain a en outre rencontré Abdullah Abdullah, le président du Haut Conseil pour la Réconciliation nationale, un organisme gouvernemental qui supervise le processus de paix au Qatar, auquel il a expliqué que s’ouvrait « un nouveau chapitre que nous écrivons ensemble ».

Le retrait des 2500 soldats américains encore présents en Afghanistan commencera le 1er mai, ensemble avec ceux de l’OTAN. La mission Resolute Support de l’Alliance atlantique regroupe au total 9600 militaires, en provenance de 36 pays.

De nombreux analystes considèrent que ce départ pourrait ouvrir la voie à une nouvelle guerre civile ou permettre un retour au pouvoir des talibans, qui en avaient été chassés fin 2001.

Avant sa rencontre avec le président Ghani, M. Blinken a visité l’ambassade des États-Unis à Kaboul et s’est exprimé devant une audience composée quasi exclusivement de soldats. « Ce que vous et vos prédécesseurs avez fait ces 20 dernières années est vraiment extraordinaire », leur a-t-il dit.

L’annonce du retrait américain a causé la consternation au sein de la société civile afghane, qui vit quotidiennement dans la crainte des explosions et des attentats ciblés.

Colère des talibans

« Mon point de vue est pessimiste », a avoué Naheed Farid, un parlementaire afghan qui a assisté à la cérémonie à la représentation américaine.

« Nous risquons de perdre tout ce pour quoi nous avons travaillé et nous sommes battus ensemble ces 20 dernières années et cela met en danger la sécurité en Afghanistan », a renchéri Metra Mehran, une militante afghane pour les droits de femmes.

Le président Ghani avait déclaré mercredi « respecter » la décision américaine, estimant que les forces afghanes étaient « pleinement capables de défendre leur peuple et leur pays », ce dont de nombreux observateurs doutent.

La décision américaine a en revanche mis en colère les talibans, qui y ont vu une « claire violation de l’accord de Doha » et jugé que cela ouvrait en principe la voie à « toutes les contremesures nécessaires » de leur part, selon un communiqué diffusé jeudi sur Twitter, peu après la visite de M. Blinken.

Mardi, les insurgés avaient déjà prévenu qu’ils refuseraient, « tant que toutes les forces étrangères n’auront pas achevé leur retrait », de participer à la conférence sur la paix en Afghanistan prévue pour se dérouler du 24 avril au 4 mai à Istanbul.

Washington aimerait qu’au cours de cette réunion, les autorités afghanes et les talibans s’accordent sur la formation d’un gouvernement intérimaire et s’engagent à administrer leur pays sur la base du consensus.

Cette rencontre devait permettre de relancer les négociations de paix directes inédites ouvertes en septembre entre les talibans et les émissaires de Kaboul, mais l’absence annoncée des insurgés risque de prolonger l’impasse.

Si les talibans ont arrêté de prendre pour cible les militaires américains depuis la signature de l’accord de Doha, ils continuent d’attaquer sans relâche les forces gouvernementales.

Les troupes américaines se contentent quant à elles d’apporter un soutien aérien occasionnel, mais parfois vital à l’armée afghane.  

Au plus fort de leur présence, en 2010-2011, quelque 100 000 soldats américains étaient déployés en Afghanistan.