(Washington) « L’heure est venue de mettre fin à la plus longue guerre de l’Amérique » : Joe Biden a confirmé mercredi le retrait de toutes les troupes étrangères d’Afghanistan d’ici le 20e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, qui avaient provoqué l’intervention des États-Unis.

« L’heure est venue de mettre fin à cette guerre sans fin », a-t-il martelé dans un discours solennel depuis la Maison-Blanche.

Soulignant être « le quatrième président américain à gérer la présence militaire américaine en Afghanistan », il a promis de ne pas transmettre « cette responsabilité à un cinquième », en jugeant vain d’attendre « de créer les conditions idéales pour un retrait ».

« Les États-Unis vont entamer leur retrait définitif le 1er mai », mais « ne partiront pas de manière précipitée », a poursuivi le 46e président des États-Unis, dont la décision avait été annoncée la veille après des semaines de consultations. « Les troupes américaines ainsi que les forces déployées par nos alliés de l’OTAN » auront « quitté l’Afghanistan avant le 20e anniversaire de ces attentats odieux du 11-Septembre », a-t-il ajouté.

Les pays membres de l’Alliance atlantique ont confirmé dans la foulée qu’ils commenceraient « d’ici le 1er mai » un retrait « ordonné, coordonné et délibéré » des forces de la mission Resolute Support, qui implique en tout 9600 militaires de 36 États.

Joe Biden avait parlé peu avant son discours au téléphone au président afghan Ashraf Ghani, qui a dit « respecter » cette décision. Les forces afghanes « sont pleinement capables de défendre leur peuple et leur pays », a-t-il assuré dans un tweet.

Malgré les craintes croissantes d’une victoire des talibans et du retour d’un avatar du régime fondamentaliste qu’ils avaient imposé de 1996 à 2001 à Kaboul, Washington a décidé de quitter le pays « sans condition ».

La menace talibane

Joe Biden repousse ainsi de moins de cinq mois la date butoir du 1er mai, prévue pour ce retrait total dans l’accord historique conclu en février 2020 par son prédécesseur Donald Trump avec les talibans.

« Si l’accord est violé et les forces étrangères ne quittent pas notre pays à la date prévue », « il y aura sûrement des problèmes et ceux qui ne respectent pas l’accord seront tenus pour responsables », a mis en garde mercredi le porte-parole des talibans Zabihullah Mujahid.

La veille, les insurgés avaient prévenu qu’ils refuseraient, « tant que toutes les forces étrangères n’auront pas achevé leur retrait », de participer à la conférence sur la paix en Afghanistan prévue du 24 avril au 4 mai à Istanbul.

Cette réunion devait permettre de relancer les négociations de paix directes inédites ouvertes en septembre entre les talibans et le gouvernement de Kaboul, mais l’absence annoncée des rebelles risque de prolonger l’impasse.

La Russie a d’ailleurs dit redouter une « escalade » qui « pourrait saper les efforts » de paix. Certains alliés des États-Unis ont aussi exprimé leurs réserves sur l’annonce américaine qui, selon la Belgique, risque de « diminuer la pression sur les talibans ».

Malgré l’accord américano-taliban de 2020, la violence fait toujours rage entre les insurgés et les forces afghanes. Et le renseignement américain a estimé, dans un rapport paru mardi, que les autorités de Kaboul allaient « peiner à résister » en cas de départ de la coalition internationale.

Joe Biden a mis en garde les talibans contre toute attaque au moment du retrait.

« Nous continuerons à soutenir le gouvernement afghan », mais « nous n’allons pas rester engagés militairement en Afghanistan », a-t-il déclaré, appelant les autres acteurs régionaux, mais surtout le Pakistan, parrain historique des talibans, à faire « davantage » pour soutenir le pays voisin.

Les États-Unis sont intervenus en Afghanistan dans la foulée des attaques de 2001 contre les tours jumelles de New York et le Pentagone. Ils ont chassé du pouvoir les talibans, accusés d’avoir accueilli la nébuleuse djihadiste Al-Qaïda responsable des attentats, avant de s’enliser.

Au plus fort de leur présence, en 2010-2011, quelque 100 000 militaires américains étaient déployés en Afghanistan. Depuis, le désengagement a été continu, et s’est accéléré à la fin du mandat de Donald Trump : il ne reste plus que 2500 soldats américains dans le pays.

Objectif « rempli »

Pour tourner la page de ce conflit dans lequel plus de 2000 Américains et des dizaines de milliers d’Afghans ont été tués, le gouvernement de Donald Trump avait conclu à Doha, au Qatar, un accord historique avec les talibans.

Il prévoyait le retrait de toutes les forces américaines et étrangères au 1er mai prochain, à condition que les insurgés empêchent la reconstitution d’un sanctuaire pour des groupes terroristes dans les zones qu’ils contrôlent.

Rappelant que l’US Army était intervenue il y a 20 ans pour « s’assurer que l’Afghanistan ne serve pas de base pour attaquer à nouveau » l’Amérique, Joe Biden a estimé mercredi que cet objectif était « rempli ». Mais il a prévenu qu’il tiendrait les talibans pour « responsables » s’ils devaient trahir leur « engagement ».

Comme Donald Trump, et à l’unisson d’une opinion américaine de plus en plus lasse des interventions meurtrières et coûteuses à l’autre bout du monde, Joe Biden a promis de « mettre fin aux guerres sans fin » de l’Amérique.

La classe politique américaine était divisée face à l’annonce du retrait, qui ne prévoit même plus le petit contingent contre-terroriste dont le président avait initialement envisagé le maintien.

La plupart des démocrates, mais aussi plusieurs ténors trumpistes, ont salué le rapatriement tant attendu des soldats.

« C’est la bonne décision », a dit l’ex-président Barack Obama, qui avait envoyé d’importants renforts dans le pays en 2009 contre l’avis de son bras droit Joe Biden.

« Retirer nos forces d’Afghanistan d’ici le 11 septembre ne fera qu’enhardir les djihadistes qui ont attaqué notre pays 20 ans plus tôt », a protesté au contraire la députée républicaine Liz Cheney.