(Beyrouth) Une poignée de manifestants ont bloqué mardi des routes à travers le Liban avec des pneus et des bennes à ordure en feu, au lendemain d’une forte mobilisation dénonçant des conditions de vie difficiles dans un pays qui s’enfonce dans une profonde crise socio-économique.

Depuis une semaine, le Liban connaît des troubles quasi quotidiens, qui ont culminé lundi avec une forte mobilisation et le blocage des principales entrées de Beyrouth durant toute la journée. Toutefois il n’y a pas eu de confrontation majeure entre forces de l’ordre et protestataires.

Dégringolade de la livre libanaise

Après un soulèvement populaire inédit contre la classe dirigeante accusée de tous les maux fin 2019, la mobilisation s’était essoufflée sous les coups de la pandémie et surtout des préoccupations du quotidien, avec le chômage et l’inflation qui ont explosé et une dégringolade historique de la livre libanaise.

Mardi matin, après une brève fermeture, l’armée a rouvert l’autoroute de Jal el-Dib et un autre axe vital au nord de Beyrouth, selon l’Agence nationale d’information ANI. Ailleurs dans le pays, d’autres axes ont été bloqués notamment à Tripoli (nord) ou dans la région de la Bekaa (est).

Des blocages sur des routes du nord du pays, notamment dans la région de Byblos, ont provoqué des embouteillages matinaux, a constaté un photographe de l’AFP.

Les mises en garde se sont multipliées concernant l’impact des blocages de routes sur le mouvement des ambulances et le transport de matériel médical, dans un pays qui bataille contre le coronavirus après avoir enregistré des pics inédits de contamination.

Impact sur les hôpitaux

Firass Abiad, directeur de l’hôpital public Rafic Hariri a averti que son établissement « et d’autres hôpitaux remplis de malades de la COVID-19 » étaient confrontés à « une baisse inquiétante des réserves en oxygène ».

« Les fournisseurs n’ont pas été en mesure d’apporter le gaz dont on a tant besoin, à cause des routes bloquées », a-t-il ajouté. « Sans oxygène, des vies seront perdues ».

Néanmoins, la mobilisation actuelle reste loin du mouvement de contestation de 2019 qui a vu des dizaines de milliers de Libanais, et parfois des centaines de milliers, investir les rues pendant plusieurs semaines.

Interrogé sur la faible mobilisation, le politologue Karim Bitar cite, entre autres facteurs, une certaine « lassitude révolutionnaire », « l’absence de vision claire et de leadership ».

Les gens sont pris à la gorge par leurs problèmes de survie quotidiens. Les problèmes de changements politiques sont devenus secondaires par rapport à la survie socio-économique.

Le politologue Karim Bitar

La nouvelle poussée de fièvre intervient au moment où la livre libanaise a connu une nouvelle dégringolade, le billet vert frôlant les 11 000 livres sur le marché libre des devises, alors que le taux officiel est maintenu à 1507 livres pour un dollar.

Malgré l’urgence, les dirigeants politiques, accusés d’incompétence et de corruption, semblent imperturbables après avoir survécu à la contestation fin 2019.

Depuis sept mois, la formation d’un nouveau gouvernement piétine, les partis restant absorbés par des marchandages interminables sur la répartition des portefeuilles.

Son rôle sera pourtant crucial pour le pays en faillite, car il devra enclencher des réformes réclamées par la communauté internationale pour débloquer toute aide financière dont le Liban a cruellement besoin.