(Istanbul) La police turque a arrêté mardi plus de 170 personnes participant à de nouvelles manifestations d’étudiants qui ne montrent aucun signe d’essoufflement, en dépit de la répression de plus en plus brutale des autorités.

Au total, 104 personnes ont été arrêtées à Istanbul et 69 à Ankara, a indiqué la police dans deux communiqués.

Un photographe de l’AFP a vu plusieurs manifestants être frappés au sol par des policiers qui ont aussi tiré des grenades lacrymogènes et des balles en plastique pour disperser plusieurs centaines de personnes qui cherchaient à se réunir dans le district de Kadiköy, sur la rive asiatique d’Istanbul.

PHOTO BULENT KILIC, AFP

Certains policiers ont traîné des manifestants au sol et leur ont asséné des coups de pied.

Les manifestants réclamaient la libération d’étudiants arrêtés la semaine dernière et la démission d’un recteur d’université nommé par le président Recep Tayyip Erdogan.

La tenue de ce rassemblement avait été déclarée illégale par les autorités quelques heures auparavant, mais environ un millier de protestataires, auxquels se sont joints des députés de l’opposition, ont tenté de braver cette interdiction.

Des habitants de Kadiköy, bastion libéral hostile à M. Erdogan, ont exprimé leur soutien aux manifestants par un concert de casseroles et d’avertisseurs sonores, selon des vidéos publiées sur les réseaux sociaux.

Depuis le mois dernier, des étudiants de la prestigieuse Université du Bosphore (Bogazici, en turc) à Istanbul manifestent contre leur nouveau recteur, Melih Bulu, en raison de ses liens passés avec le parti de M. Erdogan.  

Les manifestations sont reparties de plus belle lundi après l’arrestation samedi de quatre étudiants accusés d’avoir accroché un tableau que les autorités jugent insultant envers l’islam.

Ce tableau montrait un drapeau arc-en-ciel, symbole de la communauté LGBT, ornant la Kaaba, un édifice cubique datant du VIIe siècle, situé au centre de la cour de la grande mosquée de la Mecque (Arabie saoudite), lieu le plus sacré de l’islam.

Lundi, 159 étudiants ont été interpellés à Istanbul lors des manifestations liées à l’Université du Bosphore, et 98 d’entre eux ont été libérés mardi, selon un communiqué du gouverneur d’Istanbul.

Tweets « haineux »

Dans la capitale, Ankara, des dizaines de personnes qui s’étaient rassemblées mardi en soutien aux étudiants arrêtés à Istanbul ont été interpellées par les forces de l’ordre, selon un photographe de l’AFP.

Les manifestants, brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Nous n’allons pas baisser les yeux » et scandant « Nous ne voulons pas de recteur sous tutelle ! », ont été dispersés manu militari par les forces de l’ordre alors qu’ils venaient d’entamer une marche.

Certains policiers ont traîné des manifestants au sol et leur ont asséné des coups de pied, selon le photographe de l’AFP.

Cinq membres des forces de l’ordre ont par ailleurs été blessés à Ankara, a déclaré la police, précisant qu’un agent avait eu un bras cassé.

Dans ce contexte explosif, le réseau social Twitter a signalé mardi un tweet dans lequel le ministre turc de l’Intérieur Süleyman Soylu qualifiait de « déviants LGBT » les manifestants arrêtés samedi, restreignant sa visibilité.

Twitter a estimé que ces déclarations, qui ont suscité l’indignation de nombreux internautes, violaient ses règles « en matière de conduite haineuse ».

Le ministre turc a accusé Twitter de « censure » et renouvelé ses attaques contre les LGBT dans une vidéo publiée sur l’application de messagerie cryptée Telegram.