(Washington) À peine nommé, le nouvel émissaire américain pour l’Iran Robert Malley est sous le feu des critiques des faucons qui accusent cet architecte de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien que Joe Biden veut rejoindre d’être trop bienveillant à l’égard du pays ennemi.

Résoudre « une crise nucléaire en pleine escalade » est une « priorité cruciale » du début du mandat du président Biden, a déclaré vendredi son conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan.

Il a estimé que Téhéran se rapprochait « toujours plus » de la bombe atomique comme conséquence de la politique de Donald Trump. Et qu’il fallait donc avant tout « mettre le programme nucléaire iranien dans une boîte » en « rétablissant certains paramètres et restrictions » dont l’Iran s’est affranchi en réponse aux sanctions imposées par l’ex-président américain.

Pour mettre en œuvre cette politique, Washington a confirmé vendredi la nomination comme « envoyé spécial pour l’Iran » de Robert Malley, ami d’enfance du chef de la diplomatie américaine Antony Blinken et président de l’organisation de prévention des conflits International Crisis Group (ICG).

« Il apporte à cette fonction ses succès passés dans la négociation de restrictions au programme nucléaire iranien », a dit le département d’État, estimant qu’il saura « parvenir à nouveau à un tel résultat ».

Rob Malley avait été l’un des principaux négociateurs américains de l’accord censé empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique, conclu sous l’administration démocrate de Barack Obama – dont Joe Biden était vice-président.

Mais en 2018, Donald Trump avait retiré les États-Unis de ce pacte international, le jugeant insuffisant sur le front nucléaire, mais aussi pour endiguer les autres activités « déstabilisatrices » de la République islamique au Moyen-Orient.

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Robert Malley a participé à des négociations avec une délégation iranienne menée par le ministre des Affaires étrangères Javad Zarif en compagnie de l’ancien secrétaire d’État John Kerry, le 29 mars 2015 à Lausanne, en Suisse.

Antony Blinken a confirmé cette semaine l’intention du président Biden de revenir dans l’accord, à condition que Téhéran renoue au préalable avec ses engagements nucléaires.

Pas de calendrier

Les tractations s’annoncent complexes, car l’Iran veut, de son côté, que Washington fasse le premier pas en levant les sanctions.

Avant même sa nomination, le nom de Rob Malley, qui circulait, a été applaudi par de nombreux experts et diplomates qui louent sa connaissance du dossier de celui qui, à la tête d’ICG, a plaidé pour un retour rapide dans l’accord nucléaire.

Mais, illustration des obstacles qui se dressent face au trio Biden-Blinken-Malley pour tenir cette promesse sans enflammer le débat politique, ce choix a aussi provoqué un tollé chez les faucons anti-Iran à droite.

« Malley est connu pour sa sympathie à l’égard du régime iranien et son hostilité à l’égard d’Israël. Les ayatollahs ne vont pas croire en leur chance s’il est nommé », avait prévenu dès le 21 janvier le sénateur républicain Tom Cotton.

Plus embarrassant, l’universitaire sino-américain Xiyue Wang, emprisonné en 2016 en Iran et libéré fin 2019 grâce à un échange de prisonniers négocié par l’administration Trump, a affirmé que Rob Malley n’avait « joué aucun rôle positif » pour le faire sortir lorsqu’il était conseiller à la Maison-Blanche.

« S’il est nommé, cela laissera entendre que la libération des otages américains par l’Iran ne sera pas une priorité », avait-il estimé la semaine dernière.

L’administration Biden temporise le débat

Face à ces critiques, et malgré l’urgence, l’administration Biden, pour l’instant, fait mine de temporiser pour montrer qu’elle ne fonce pas tête baissée.

« Je ne vais pas donner un calendrier » pour le début des négociations, a esquivé vendredi la porte-parole de la Maison-Blanche Jen Psaki, refusant aussi de dire si Joe Biden était prêt à rencontrer son homologue Hassan Rohani ou au moins à s’entretenir avec lui au téléphone, comme Barack Obama en 2013.

Pour l’instant, la diplomatie américaine s’est montrée délibérément vague sur ses intentions, se bornant à dire qu’un accord sur le nucléaire, urgence numéro un, prendrait « un certain temps », et servirait de « point de départ » pour négocier un « accord plus durable et plus fort ».

Et Jake Sullivan n’a pas mâché ses mots vendredi contre le pouvoir iranien. « Leur comportement irresponsable et leur soutien au terrorisme dans la région n’ont pas diminué et ont parfois accéléré », a-t-il déploré, promettant de contrer « les menaces considérables posées par l’Iran ». Mais dans un second temps.