Israël est le champion mondial de la vaccination contre la COVID-19. D’ici au 31 janvier, 2 millions d’Israéliens devraient être vaccinés, sur une population de 9 millions. Le premier ministre Benyamin Nétanyahou assure que son pays sortira du cauchemar du coronavirus à la fin de mars. Comment expliquer un tel succès ? Et le Québec peut-il en tirer des leçons ?

14 millions de vaccins

Pour Gaston De Serres, médecin-épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), la première raison de la bonne fortune des Israéliens, c’est l’approvisionnement. Pour vacciner, ça prend des vaccins. De juin à décembre, Israël a commandé aux laboratoires Pfizer-BioNTech et Moderna 14 millions de doses. La campagne de vaccination a débuté le 19 décembre, cinq jours après celle du Québec. En deux semaines, 1 million d’Israéliens avaient été vaccinés. Ici ? Moins de 100 000 Québécois.

« Le problème actuel de la vaccination, c’est d’abord un problème d’approvisionnement, explique M. De Serres. Israël a non seulement réussi à avoir beaucoup de doses jusqu’à maintenant, mais à avoir assez de doses pour vacciner toute sa population d’ici au 31 mars. C’est sûr que c’est une situation assez différente de celle dans laquelle on est, où on va avoir, à la fin de mars, 1,3 million de doses, c’est-à-dire de quoi vacciner à peu près un huitième de notre population. »

« La question qu’il faut se poser, c’est comment se fait-il qu’Israël ait réussi à avoir ces ententes commerciales avec les compagnies pharmaceutiques qui lui permet d’accéder à de très nombreuses doses du vaccin pour vacciner très rapidement sa population ? » se demande Roxane Borgès Da Silva, experte en santé publique.

Des doses payées 40 % de plus

Dans la course aux vaccins, Israël s’y est pris tôt, sans regarder à la dépense. « La rumeur veut qu’ils aient payé autour de 30 $ de plus la dose », dit Sami Aoun, professeur en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke et expert du Moyen-Orient.

« Selon ce qu’on rapporte, ils ont pris des ententes directement avec Pfizer en disant qu’ils étaient prêts à payer 40 % plus cher pour chaque dose et à fournir l’ensemble des données médicales de l’État d’Israël pour que Pfizer puisse faire toutes les études épidémiologiques voulues à la suite de la vaccination », ajoute le DDe Serres, membre du Comité sur l’immunisation du Québec.

Combien coûte une dose ? Aux États-Unis, le prix varie de 19 $ US à 40 $ US selon le vaccin. Moderna est plus cher que Pfizer. Ici, on l’ignore. Le Canada refuse de dévoiler le prix payé aux sociétés pharmaceutiques. « Il n’y a pas de marché privé au Canada. Les contrats se négocient avec le fédéral », précise M. De Serres.

L’étroitesse du territoire

Autres facteurs qui expliquent pourquoi Israël est en avance sur le reste du monde en matière de vaccination : l’étroitesse du territoire et l’armée.

Géographiquement, c’est un petit pays. Ça compte. Acheminer les vaccins se fait de façon très rapide. Du nord au sud, Israël fait 400 kilomètres. Mais la grosse majorité de la population est concentrée au centre du pays dans un tout petit territoire.

Thomas Juneau, professeur adjoint à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa

« C’est aussi un pays militarisé, note Sami Aoun. C’est plus une armée qui a un État qu’un État qui a une armée. »

L’armée collabore étroitement avec le système de santé. Et la majorité des Israéliens font confiance aux vaccins.

Le contexte politique propre à Israël fait aussi en sorte que le processus de vaccination se déroule sur fond de tensions, parce que le programme s’applique au territoire israélien proprement dit et ne couvre pas les deux territoires où se concentre la population palestinienne, la Cisjordanie et la bande de Gaza.

Des élections en mars

À cela s’ajoute une forte volonté politique avant les élections générales du 23 mars. Cette campagne de vaccination profite au premier ministre Nétanyahou, très critiqué pour sa gestion de la crise. Israël affiche un des taux de contamination les plus élevés du monde.

« Benyamin Nétanyahou est un homme de grande ruse politique, un homme qui a une grande expérience. Il a eu le flair d’aller stocker des vaccins et d’ordonner une vaccination rapide », souligne le professeur Aoun.

Les gens de 60 ans et plus sont déjà vaccinés à hauteur de 80 %. C’est un coup de maître.

Sami Aoun, professeur en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke

Le Parlement a voté la semaine dernière la prolongation jusqu’au 21 janvier du confinement imposé à la fin de décembre, ainsi que de nouvelles restrictions, dans l’espoir d’enrayer la flambée importante de cas, causée notamment par le nouveau variant découvert en Grande-Bretagne. Les écoles et les commerces non essentiels sont fermés. Les rassemblements publics de plus de 10 personnes sont interdits et les déplacements sont très contrôlés.

Des leçons pour le Québec

Tous ces facteurs, liés aux particularités géographiques, sociales et politiques d’Israël, sont difficilement exportables dans d’autres sociétés, sauf, peut-être, l’idée de payer beaucoup plus cher pour les vaccins. Est-ce une approche que le gouvernement Trudeau aurait pu emprunter ?

Cela n’aurait cependant pas protégé le Canada du paradoxe israélien. Car si la vaccination est un succès dans ce pays, la COVID-19 continue d’y faire des ravages. Le nombre de nouveaux cas est en forte hausse depuis le début de l’année, dépassant régulièrement 7000 cas par jour.

Plus de 7000 infections, pour un petit pays à peine plus populeux que le Québec, c’est énorme. En fait, par rapport à la population, le nombre de nouvelles infections équivaut à 6300 cas pour le Québec, soit plus du double de ce qu’on enregistre depuis une dizaine de jours.