(Karachi) Des dizaines de milliers de manifestants anti-chiites, dont des extrémistes sunnites, se sont rassemblés samedi à Karachi, mégalopole du sud du Pakistan, une deuxième marche d’affilée faisant craindre un nouveau cycle de violences sectaires dans ce pays musulman conservateur.

La foule d’hommes, inhabituelle de par son nombre au Pakistan, où les protestations regroupent habituellement au maximum quelques milliers d’individus, a déambulé dans le centre de Karachi, beaucoup portant des drapeaux et scandant des slogans pro-sunnites.

D’après un responsable sécuritaire, plus de 30 000 manifestants ont été recensés. Aucun incident n’est survenu lors de ce rassemblement organisé par le parti extrémiste Tehreek-e-Labbaik Pakistan (TLP), dont la lutte contre le blasphème est la principale arme politique, et le mouvement islamiste Jamaat Ahle Sunnat.

« Si vous jouez avec les sentiments religieux des sunnites, nous ne le tolérerons pas », a lancé Allama Abid Mubara, un cadre du TLP, à la foule. Les sunnites pourraient « se retrouver décapités, mais ils pourraient aussi décapiter », a-t-il menacé.

Le mufti Muneeb-ur-Rehman, principal intervenant durant l’évènement, a toutefois affirmé que celui-ci avait pour but de « promouvoir la paix ». « Notre mouvement n’est pas contre un culte, il est contre ceux qui profanent nos personnalité révérées », a-t-il poursuivi.

Vendredi, des milliers de sunnites avaient déjà participé à une manifestation anti-chiites à Karachi.

Ces rassemblements font suite à des dizaines de plaintes pour blasphème déposées contre les principaux dirigeants chiites du pays après qu’une retransmission télévisée d’une procession chiite le mois dernier a montré des religieux et des participants faisant des remarques jugées désobligeantes par des sunnites à l’encontre de figures historiques de l’Islam.

Le blasphème est une question très sensible au Pakistan, où même des allégations non prouvées d’offense à l’islam peuvent entraîner assassinats et lynchages.

La violence sectaire a été omniprésente pendant des décennies, faisant des milliers de morts dans le pays lors d’attentats contre des mausolées ou des processions chiites. La situation s’est très fortement améliorée après 2015, quand les forces de sécurité ont entamé une répression féroce des groupes extrémistes sunnites.

La répression a atteint son point culminant en juillet 2015 lorsque Malik Ishaq, chef du groupe interdit Lashkar-e-Jhangvi (LeJ), a été tué avec 13 autres extrémistes par la police.

La fusillade a anéanti une grande partie de la direction de LeJ, force motrice dans la violence contre les chiites, qui représentent environ 20 % des 220 millions de Pakistanais.