(Beyrouth) Le président Michel Aoun a reconnu dimanche la nécessité de changer le système politique au Liban et appelé à proclamer un « État laïc », à la veille de la visite du chef de l’État français Emmanuel Macron qui presse pour des réformes.

Quelques heures plus tôt, le chef du puissant Hezbollah pro-iranien Hassan Nasrallah, allié de M. Aoun, avait annoncé être prêt à discuter d’un nouveau « pacte politique » dans le pays, où les communautés religieuses se répartissent le pouvoir.

Ces annonces sont intervenues à la veille de la désignation d’un nouveau premier ministre, qui devrait être un ambassadeur, Moustapha Adib, choisi par les poids lourds de la communauté sunnite, contrairement aux attentes du mouvement de contestation.

« Parce que je suis convaincu que seul un État laïc est capable de protéger le pluralisme, de le préserver en le transformant en unité réelle, je demande que le Liban soit déclaré État laïc », a affirmé M. Aoun dans un discours à l’occasion du centenaire du Liban.

Le chef de l’État était resté jusqu’à présent sourd aux revendications de la contestation déclenchée en octobre 2019.

Dimanche soir, il s’est engagé à « appeler au dialogue les autorités religieuses et les dirigeants politiques afin d’arriver à une formule acceptable par tous » qui nécessiterait des amendements constitutionnels.

Emmanuel Macron, premier dirigeant étranger à se rendre au Liban après l’explosion meurtrière au port de Beyrouth avait pressé les responsables politiques d’entreprendre des réformes politiques vitales.

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Le président français Emmanuel Macron s'est rendu au Liban le 4 août.

Il avait évoqué vendredi les « contraintes d’un système confessionnel » qui ont conduit « à une situation où il n’y a quasiment plus de renouvellement [politique] et où il y a quasiment une impossibilité de mener des réformes ».

Les responsables occidentaux qui se succèdent à Beyrouth se sont joints aux appels des Libanais pour un changement politique profond après la catastrophe du port de Beyrouth qui a fait au moins 188 morts, et dont la classe politique est rendue responsable par négligence et corruption.

Nouveau premier ministre

« Nous avons entendu l’appel du président français au cours de sa dernière visite au Liban à un nouveau pacte politique », a déclaré Hassan Nasrallah dans un discours.

« Nous sommes ouverts à toute discussion constructive sur le sujet […] mais à la condition qu’il s’agisse d’un dialogue libanais et que ce soit la volonté de toutes les parties libanaises », a ajouté le secrétaire général du mouvement armé.

Visant à répartir le pouvoir entre les différentes communautés du pays qui en compte 18, ce système est accusé d’être la source de blocages politiques.  

Lors de sa première visite à Beyrouth le 6 août, le président Macron avait annoncé qu’il allait proposer un « nouveau pacte politique » avec des réformes nécessaires, sans quoi « le Liban continuera de s’enfoncer ».

Le président français doit rencontrer mardi à nouveau les représentants des principaux partis politiques, dont le Hezbollah.

Dans le même temps, des consultations parlementaires sont prévues lundi matin pour désigner un nouveau premier ministre, le chef du gouvernement Hassan Diab ayant démissionné le 10 août, sous le coup de l’explosion meurtrière qui avait dévasté des quartiers entiers de Beyrouth.

Dimanche soir, les ténors de la communauté sunnite ont annoncé s’être entendus sur le nom de l’ambassadeur du Liban en Allemagne, Moustapha Adib, qui devrait être entériné lors de ces consultations.

Une démarche qui vient illustrer le mode de fonctionnement du système confessionnel, le poste de premier ministre étant réservé à la communauté musulmane sunnite.

Le mouvement de contestation populaire a averti qu’il rejetterait tout nom issu des consultations d’une classe politique dont il demande le départ.

Nouvelle démission

Le drame du port, dû à la présence d’une énorme quantité de nitrate d’ammonium au port de Beyrouth au vu et au su des responsables, a alimenté la colère de la population.  

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L'explosion au port de Beyrouth a eu lieu le 4 août.

La catastrophe a fait plus de 6500 blessés et détruit ou endommagé les domiciles de quelque 300 000 personnes, qui n’ont reçu aucune aide du gouvernement.

L’explosion a également mis à genoux le pays qui ployait déjà sous le poids d’une grave crise économique aggravée par la pandémie de coronavirus.

Dimanche, l’ONU a averti que plus de la moitié de la population risque de manquer d’alimentation de base d’ici la fin de l’année en raison de l’aggravation de la crise économique et de la destruction des silos de blé au port de Beyrouth.

Le Liban a initié des négociations à la mi-mai avec le Fonds monétaire international pour obtenir une aide financière, mais le processus est actuellement au point mort.

Dimanche, Talal Salman, un conseiller du ministère des Finances impliqué dans les négociations avec le FMI a indiqué à l’AFP avoir présenté sa démission, emboîtant le pas à deux autres membres de l’équipe de négociateurs.