La scène avait quelque chose de surréaliste. Emmanuel Macron, en bras de chemise, s’offrant un bain de foule survoltée, dans un quartier dévasté de Beyrouth.

Le président de la France venu constater les dégâts et offrir son soutien moral au peuple meurtri. Deux jours après l’explosion du port de Beyrouth, il a fait ce qu’aucun dirigeant libanais n’a encore osé faire.

Il faut dire qu’aucun dirigeant libanais ne peut s’attendre à recevoir l’accueil auquel a eu droit M. Macron. « Vive la France ! », criaient les gens. « Vous êtes le seul espoir ! » « Aidez-nous ! » « Révolution ! Le peuple veut la chute du régime ! »

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Emmanuel Macron, président de la France, est allé constater les dégâts et offrir son soutien moral au peuple de Beyrouth.

Au milieu de la foule, une femme a supplié : « Ne donnez pas d’argent à notre gouvernement corrompu ! »

« Ne vous inquiétez pas », lui a répondu le président masqué, avant de la serrer dans ses bras pour la réconforter. Il ne lui manquait qu’une cape de superhéros.

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N’empêche, malgré les assurances du président Macron, les Libanais s’inquiètent. Beaucoup. Ils ont désespérément besoin d’une aide humanitaire. Mais ils craignent que les dons de la communauté internationale ne soient siphonnés par une clique de dirigeants corrompus.

Que faire, alors, pour aider les Libanais ?

On fait un don à la Croix-Rouge, répond Ruba Ghazal. Enfant de Beyrouth, la députée solidaire a demandé au gouvernement du Québec de débloquer des fonds d’urgence pour le Liban. Jeudi soir, la ministre des Relations internationales, Nadine Girault, a répondu à son appel en annonçant une aide financière d’urgence d’un million de dollars pour soutenir des projets d’action humanitaire destinés à la population libanaise.

Cela dit, vous pouvez aussi choisir d’aider par vous-même, dit Mme Gazal. Choisissez une ONG digne de confiance. En quelques clics, l’affaire sera réglée. Ainsi, « vous aiderez le peuple, pas le gouvernement libanais ».

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« Au-delà de l’aide d’urgence, il faut songer rapidement à la reconstruction », souligne la femme d’affaires d’origine libanaise Caroline Codsi. Elle rappelle que 300 000 Beyrouthins sont privés de toit. Et que le Liban vit la plus grave crise économique de son histoire. « Il faut reconstruire un pays au bord du gouffre. On part vraiment de loin. »

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Une femme nettoie sa maison, deux jours après les explosions qui ont secoué Beyrouth.

« Aujourd’hui, la planète au complet se mobilise. C’est bien, mais il faut faire hyper attention, parce que si tout ce qu’on fait, c’est remplir les poches des dirigeants… »

Le Liban, dit-elle, est un « gouffre à pognon. C’est essentiel de surveiller de très près comment l’argent sera utilisé ». Inquiète, Mme Codsi a téléphoné au ministère des Affaires étrangères pour s’assurer que les cinq millions promis par le Canada ne s’évanouiraient pas dans la nature…

On l’a rassurée. Pour éviter que les sommes versées ne se retrouvent dans des comptes suisses, aucune aide directe ne sera versée au gouvernement du Liban. « Notre aide sera acheminée à des partenaires humanitaires qui sont sur place et qui connaissent les besoins et surtout qui se coordonnent entre eux », dit Louis Bélanger, directeur des communications au cabinet de la ministre du Développement international, Karina Gould. « La coordination va bien pour l’instant. » Tant mieux.

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« Je comprends votre colère », a assuré M. Macron aux Libanais qui se bousculaient autour de lui, promettant de demander à leurs dirigeants de « changer le système, d’arrêter la division du Liban, de lutter contre la corruption ».

« Si ces réformes ne sont pas faites, le Liban continuera de s’enfoncer », a encore prévenu le chef d’État français.

On a pu entendre, dans ces propos, un certain paternalisme, voire une ingérence maladroite dans les affaires d’un pays souverain. J’ai plutôt perçu un message d’espoir, comme une rare bouffée d’oxygène offerte à un peuple à bout de souffle.

Après tout, la souveraineté ne se définit pas comme le droit d’un peuple à se laisser manger la laine sur le dos par des chefs de clan qui se croient tout permis depuis beaucoup, beaucoup trop longtemps.

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Depuis la catastrophe, 50 000 personnes ont signé une pétition exigeant le retour… du mandat français au Liban.

D’accord, on ne sait pas d’où, exactement, provient cette pétition – et on se doute que ce n’est pas des quartiers chiites dominés par le Hezbollah. Tout de même, qu’autant de Libanais réclament le retour du maître colonial, ça donne une idée de la profondeur abyssale de leur désespoir…

Ces gens-là sont prêts à tout pour se débarrasser de leurs dirigeants, dont la négligence criminelle a mené à la double explosion du port de Beyrouth. Mais pour ça aussi, ils ont besoin d’aide.

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Les explosions ont détruit des quartiers entiers proches du port de Beyrouth et en ont endommagé d’autres à de nombreux kilomètres à la ronde.

« On ne peut pas juste mettre des pansements, dit Ruba Ghazal. Il faudrait qu’une action internationale soit posée, en concertation entre les pays, parce que ce régime ne se réformera pas tout seul… »

Mais la politique, ça peut encore attendre un peu. Pour l’heure, les Libanais ont besoin de soins médicaux et d’un toit au-dessus de leur tête. Pour l’heure, les Libanais ont besoin de manger. Aidez-les :

· Croix-Rouge canadienne (fonds pour le Liban)

· Impact Lebanon

· Autres organismes sur le terrain