(Jérusalem) Fumée blanche à Jérusalem ! Après seize mois d’une crise politique sans précédent dans l’histoire d’Israël, le premier ministre Benyamin Nétanyahou et son ex-rival Benny Gantz se sont entendus lundi pour former un gouvernement d’union en pleine pandémie de COVID-19.

Le signal est venu de la résidence officielle de Benyamin Nétanyahou au grand soulagement de nombreux Israéliens, dont beaucoup craignaient la tenue de nouvelles élections pour résoudre la crise.

Après trois législatives en un an, des rebondissements improbables et parfois désespérants pour certains Israéliens, MM. Nétanyahou, 70 ans, et Gantz, 60 ans, se sont retrouvés dans la soirée avant le début de Yom Hashoah, le « jour de la Shoah », du coucher du soleil lundi à la tombée de la nuit mardi.

Ces entretiens devaient sceller l’union entre les deux anciens rivaux après l’échec de nombreuses tentatives. Les sceptiques ont été confondus, car cette fois a finalement été la bonne.

La veille, des milliers de personnes, respectant scrupuleusement les règles de distanciation sociale, avaient manifesté à Tel-Aviv dans l’espoir de barrer la route à une alliance entre les deux hommes.  

« Un accord pour la formation d’un gouvernement national d’urgence a été signé » par MM. Nétanyahou, chef du Likoud (droite), et Gantz, le dirigeant du parti « Bleu-Blanc » (centriste), selon un communiqué des deux partis.

Leur pacte, d’une durée de trois ans, prévoit la formation d’un gouvernement « bipartisan » avec comme premier ministre M. Nétanyahou pour les 18 premiers mois tandis que le parti de M. Gantz héritera du ministère de la Défense. Après cette période, M. Gantz dirigera le gouvernement.

Le texte prévoit un gouvernement de 32 ministres pendant la crise du nouveau coronavirus –et de 36 par la suite – avec une répartition équitable entre les deux camps et la possibilité pour d’autres partis de se joindre à l’un des deux blocs.

« Union et urgence »

Lors des élections du 2 mars, Benyamin Nétanyahou avait réussi son meilleur score à la tête du Likoud (36 sièges), mais n’avait pas pu obtenir la majorité avec ses alliés de la droite radicale et des ultra-orthodoxes.  

Les parlementaires avaient plutôt recommandé au président de choisir Benny Gantz, ancien chef d’état-major, pour tenter de former le gouvernement.  

Incapable de rallier une majorité au moment où de surcroît le pays affronte une crise sanitaire, M. Gantz avait créé la surprise en ouvrant la voie à un gouvernement « d’union et d’urgence » avec Benyamin Nétanyahou, inculpé pour corruption. Il était ainsi revenu sur son engagement de ne pas partager le pouvoir avec lui tant qu’il n’aura pas réglé ses démêlés avec la justice.

L’espoir d’un gouvernement d’union pointait à l’horizon. Mais des hommes politiques du centre gauche et de son camp principalement ont reproché à M. Gantz d’avoir rendu les armes face à Benyamin Nétanyahou, plus pérenne des premiers ministres de l’histoire d’Israël, passé maître dans l’art de la survie politique.

Covid et annexion ?

Des pourparlers entre les deux camps avaient échoué la semaine dernière faisant craindre la tenue d’un quatrième round électoral.  

Selon l’accord conclu, le gouvernement d’urgence œuvrera à combattre le coronavirus, ayant contaminé plus de 13 000 personnes et provoqué plus de 170 décès en Israël, et ses conséquences – un chômage qui a explosé alors que l’économie tournait à plein régime avant la pandémie.

Le négociateur en chef de M. Nétanyahou, Yariv Levin, a indiqué que ce gouvernement avait aussi pour objectif d’appliquer la « souveraineté » d’Israël dans les « implantations en Judée et Samarie », expression utilisée pour évoquer l’annexion des colonies et de régions en Cisjordanie, territoire palestinien occupé depuis 1967 par l’État hébreu.

Le projet de l’administration américaine de Donald Trump pour un règlement du conflit israélo-palestinien prévoit l’annexion de la vallée du Jourdain, langue de terre fertile comptant pour environ 30 % de la Cisjordanie, et la création d’un État palestinien aux frontières réduites.

Selon l’accord sur le gouvernement israélien, le plan américain pourra être présenté au cabinet et aux parlementaires à partir du 1er juillet prochain.

Le premier ministre palestinien Mohammed Shtayyeh a fustigé ce plan et qualifié le gouvernement d’union israélien de « gouvernement d’annexion » mettant, selon lui, en péril la solution à deux États, soit un État palestinien viable aux côtés d’Israël.