(Ryad) L’Arabie saoudite a annoncé jeudi suspendre « temporairement » l’entrée des pèlerins se rendant à La Mecque, premier lieu saint de l’islam, une décision d’une ampleur sans précédent destinée à prévenir « l’arrivée » du nouveau coronavirus qui s’est propagé dans le Golfe.

Riyad n’a annoncé aucune infection au COVID-19 sur son sol, mais la plupart des pays voisins ont enregistré des dizaines de cas ces derniers jours, en majorité des personnes revenant d’un pèlerinage chiite en Iran où la maladie a fait 26 morts, bilan le plus lourd après celui de la Chine, foyer de l’épidémie.

Dans ce contexte, le gouvernement saoudien a décidé de « suspendre temporairement les entrées dans le royaume pour réaliser la Omra », le petit pèlerinage, a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

En 2003, l’Arabie saoudite avait suspendu l’octroi de visas pour la Omra, mais seulement à certains pays d’Asie, en raison du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), qui avait fait 774 morts dans le monde, bilan largement dépassé par le nouveau coronavirus.

Mais c’est la première fois que la mesure concerne l’ensemble des pèlerins.  

La Omra est effectuée par les fidèles à La Mecque, dans l’ouest du royaume, par des millions de musulmans à n’importe quelle période de l’année, à la différence du hajj, le grand pèlerinage effectué à une date précise une fois l’an.  

Un des cinq piliers de l’islam, le hajj doit avoir lieu cette année entre fin juillet et début août. Les autorités saoudiennes ne se sont pas encore exprimées sur d’éventuelles mesures de précaution dans l’organisation du hajj qui avait rassemblé quelque 2,5 millions de fidèles en 2019.

Pèlerins bloqués

L’organisation du hajj et plus généralement la gestion des lieux saints de l’islam constituent pour le royaume un défi logistique de taille ainsi qu’une importante source de revenus.

Sous l’effet combiné du virus et de la chute des prix du pétrole, les Bourses du Golfe ont fini la semaine sur d’importantes pertes. Le marché de Dubaï a cédé 5,4 % et celui de Riyad a reculé de 4,7 %.

La semaine finit jeudi dans le Golfe.

Pour l’analyste Ali Bakeer, l’épidémie fait « planer le doute sur le déroulement du hajj. Les calamités passées au hajj suggèrent que le royaume n’a pas la capacité de faire face à une épidémie de masse pendant le (grand) pèlerinage ».

Riyad espère attirer 2,7 millions de fidèles durant le hajj de 2020, d’après le site internet du ministère du Pèlerinage.

Mais jeudi, l’Arabie saoudite a également suspendu l’entrée dans le pays des voyageurs munis d’un visa de tourisme et provenant de pays où sévit le nouveau coronavirus, selon des critères qui seront fixés par les autorités sanitaires.

« Ces procédures sont temporaires, et sont assujetties à l’évaluation continue des autorités compétentes », a indiqué le ministère des Affaires étrangères, appelant les ressortissants saoudiens à ne pas se rendre dans les pays touchés par la maladie.

En Asie, des milliers de candidats au petit pèlerinage se trouvent soit bloqués dans des aéroports soit dans l’incertitude de pouvoir se rendre en Arabie saoudite.

C’est notamment le cas en Indonésie et au Bangladesh, deux gros pourvoyeurs de pèlerins à La Mecque.

Propagation dans le Golfe

Dans le Golfe, plusieurs citoyens saoudiens figurent parmi les personnes infectées au Bahreïn voisin qui a annoncé 33 cas, tous revenant d’Iran.

Plus de 140 personnes, dont le vice-ministre de la Santé, ont été infectées en Iran, poussant les pays voisins à restreindre les déplacements. Le Koweït a enregistré 43 cas et Oman quatre.

Les Émirats arabes unis, qui ont suspendu les vols vers et en provenance d’Iran, ont enregistré 13 cas de contamination, dont trois ont guéri. Les deux cas d’infection les plus récents sont ceux de deux ressortissants iraniens.  

Bahreïn a annoncé la suspension de tous les vols à destination et en provenance d’Irak et du Liban, deux pays qui comptent une importante population musulmane chiite se rendant fréquemment en Iran pour visiter des sanctuaires.

Par ailleurs, le Koweït et Bahreïn ont fermé toutes les écoles pendant deux semaines après qu’un citoyen infecté par le virus ait transporté des élèves dans trois établissements.

« Les enseignants, les élèves et les parents sont très inquiets, surtout parce que nous ne savons pas combien de temps cela va durer », a confié Anne Marie, une expatriée sud-africaine vivant à Bahreïn, où de nombreux résidents portent des masques dans la rue.

« Les gens ont peur, mais je pense qu’il n’est pas nécessaire de paniquer tant que l’on prend des précautions et que l’on se tient à l’écart des lieux bondés », a fait valoir Roshan, un expatrié indien.