(Kaboul) Les hostilités entre les soldats américains et les talibans devaient commencer à décroître samedi, prélude à un accord historique ouvrant une double voie espérée depuis 18 ans : la paix en Afghanistan et un retrait des États-Unis de ce pays saigné par les violences.

La trêve graduelle est censée s’appliquer depuis samedi minuit (vendredi 14 h 30 HE). L’accord devrait lui être paraphé le 29 février, à la condition qu’une baisse des attaques soit constatée sur tout le territoire afghan, un préalable exigé par Washington.

« Une fois (la baisse des violences) mise en œuvre avec succès, la signature de l’accord entre les États-Unis et les talibans devrait aller de l’avant », a déclaré le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, à propos de cette promesse de Donald Trump, qui s’était engagé dès sa campagne présidentielle de 2016 à retirer l’armée américaine de ce théâtre d’opérations meurtrier et devenu très impopulaire.

PHOTO ANDREW CABALLERO-REYNOLDS, AP

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo était en visite à Riyad, vendredi.

L’accord conditionnera ce retrait partiel des troupes américaines à des garanties sécuritaires des talibans. L’objectif américain est notamment d’éviter que l’Afghanistan redevienne un repaire de djihadistes, deux décennies après qu’Oussama ben Laden y ait conçu les attentats du 11 septembre 2001 commis aux États-Unis.

« Nous nous préparons à ce que la signature ait lieu le 29 février », a précisé M. Pompeo dans un communiqué publié après sa visite en Arabie saoudite. Le conflit afghan est le plus long de l’histoire des États-Unis.

Le chef du Pentagone, Mark Esper, a prévenu dans un tweet que si les talibans ne démontrent pas « leur engagement envers une réduction réelle de la violence », les États-Unis « restent prêts à se défendre et à défendre leurs partenaires afghans ».

« Après de longues négociations (les deux parties) ont convenu de signer l’accord finalisé en présence d’observateurs internationaux […] le 29 février », ont confirmé les talibans dans un communiqué. Tant les États-Unis que les insurgés vont désormais « créer une situation sécuritaire adéquate » avant cette date, ont-ils poursuivi.

« Les forces de sécurité afghanes resteront en état de défense active pendant la semaine », a averti le président afghan Ashraf Ghani dans un discours télévisé.

« Les prochaines étapes du processus de paix dépendront de l’évaluation de la réduction de la violence cette semaine », a ajouté M. Ghani, réélu cette semaine pour un second mandat.

« Paix durable »

Moscou a immédiatement salué « un événement important » pour la paix, l’OTAN se félicitant de son côté d’un accord ouvrant la voie à une « paix durable ».

Un désaccord semble toutefois manifeste entre les belligérants. Un porte-parole taliban, Suhail Shaheen, a ainsi tweeté que l’accord verrait « toutes » les forces étrangères quitter l’Afghanistan.

Quelque 12 à 13 000 soldats américains sont basés en Afghanistan, pays où les États-Unis mènent la plus longue guerre de leur histoire. D’autres pays, notamment européens, sont également engagés sur le terrain.

Les talibans ont été chassés du pouvoir en Afghanistan par une coalition internationale menée par les États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001.

Les insurgés, qui gouvernaient à Kaboul depuis 1996, ont ensuite mené une guérilla incessante, qui a tué plus de 2400 soldats américains et des dizaines de milliers de membres des forces de sécurité afghanes.  

Washington a dépensé plus de 1000 milliards de dollars pour cette guerre, qui a aussi fait plus de 10 000 morts parmi les civils afghans depuis 2009, selon l’ONU.

« Nous avons reçu des ordres de nos dirigeants, nous demandant d’être prêts pour la réduction des violences qui démarrera samedi », a déclaré à l’AFP un taliban du district de Maiwand, dans la province de Kandahar.

« Pleinement engagés »

Un autre commandant taliban basé à Kandahar, Hafiz Saeed Hedayat, a toutefois affirmé à l’AFP que la diminution des combats ne s’appliquerait qu’« aux villes et aux principales routes ». « Cela signifie que peut-être la violence se poursuivra dans les districts » ruraux.

Une fois cet accord signé, des discussions interafghanes doivent s’ouvrir, alors que les talibans refusent depuis 18 ans de négocier avec le gouvernement de Kaboul, qu’ils considèrent comme une « marionnette » de Washington.

D’après une source talibane au Pakistan, ces pourparlers devraient démarrer « le 10 mars ».

Jeudi, le numéro 2 des insurgés Sirajuddin Haqqani avait déclaré les rebelles « pleinement engagés à travailler avec les autres parties » dans un « respect sincère afin de convenir d’un nouveau système politique inclusif ».

Pour l’expert des talibans Rahimullah Yusufzai, « les deux parties ont montré leur volonté de signer un accord de paix, ce qui constitue une évolution significative ».

Mais la phase suivante sera plus problématique, car « les talibans ne sont toujours pas disposés à discuter directement avec le gouvernement afghan », dans lequel agissent en outre des « fauteurs de troubles », « opposés à ce processus », a-t-il estimé.

Si le processus de paix est couronné de succès, Donald Trump en fera sûrement un argument électoral. « C’est au président que revient le crédit » d’un accord, indiquait récemment un haut responsable de l’administration américaine.

Le 7 septembre 2019, M. Trump avait créé la stupeur en rompant les négociations directes et inédites menées depuis un an avec les talibans, qui semblaient sur le point d’aboutir à un accord, en invoquant la mort d’un soldat américain dans un énième attentat des insurgés à Kaboul.