L’Iran, qui multipliait les menaces de représailles contre les États-Unis depuis l’assassinat ciblé, vendredi, du général Qassem Soleimani, est passé de la parole aux actes mercredi (heure locale), faisant craindre un embrasement tous azimuts du conflit.

Au moins une douzaine de missiles balistiques provenant du territoire iranien ont été tirés sur des bases irakiennes situées à Aïn al-Assad et à Erbil qui hébergeaient un nombre important de soldats américains.

Les frappes, survenues au milieu de la nuit en Irak, ont été lancées le jour même des funérailles de l’homme fort iranien et confirmées rapidement par le Pentagone.

Le ministère de la Défense américain a précisé, sans donner de bilan, que des mesures avaient été prises au cours des derniers jours pour prévenir d’éventuelles attaques et assurer la sécurité du personnel en place dans le pays.

Aucune indication officielle sur le nombre de victimes américaines n’avait été donnée en fin de soirée. Certains rapports non confirmés évoquaient uniquement des victimes et des blessés irakiens.

Les Gardiens de la Révolution, l’organisation paramilitaire de la République islamique, ont affirmé que l’opération militaire avait été lancée au nom du « martyr » Qassem Soleimani et avait été couronnée de succès.

Le régime a diffusé des photos montrant que l’opération avait été observée en direct par l’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême du pays.

Une déclaration mercredi

La porte-parole de la Maison-Blanche a fait savoir peu après l’offensive que le président américain Donald Trump suivait de près la situation, de concert avec son équipe de sécurité nationale.

Les médias américains ont spéculé un moment sur la possibilité qu’il s’adresse à la nation à la télévision, mais le scénario ne s’est pas concrétisé.

Le chef d’État a finalement rompu le silence vers 22 h sur Twitter pour dire que l’évaluation du nombre de victimes et des dommages matériels suivait son cours et que « tout allait bien jusque-là ».

Le politicien a ajouté, sans plus de précisions, qu’il ferait une déclaration mercredi matin, semblant écarter du même coup toute réaction militaire rapide.

Plus tôt mardi, il avait réitéré ses menaces de représailles envers l’Iran, qui avait ouvertement évoqué la possibilité de tirer des missiles contre des bases militaires utilisées par les Américains.

La concrétisation du scénario d’une attaque directe en provenance du territoire iranien a surpris nombre d’analystes qui s’attendaient à ce que Téhéran agisse par l’entremise de groupes armés alliés pour éviter de se retrouver dans une confrontation directe avec les États-Unis.

« Ils voulaient clairement pouvoir revendiquer l’action comme une réplique de l’Iran », a indiqué Justin Massie, professeur de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) spécialisé dans les questions de sécurité internationale.

Vers une désescalade ?

Vahid Yücesoy, spécialiste du Moyen-Orient rattaché à l’Université de Montréal, a indiqué que l’Iran cherchait à montrer « à la population et au monde » qu’il n’a pas peur d’affronter les États-Unis.

Il est possible, a-t-il indiqué, que les frappes aient été ciblées avec précision pour éviter tout mort américain de manière à écarter le risque d’une réplique massive. « On peut imaginer qu’ils connaissaient assez bien le terrain pour le faire », relève l’analyste.

Si elle se confirme, l’absence de victimes américaines pourrait permettre à Donald Trump d’écarter toute réplique et ouvrir paradoxalement la porte à une forme de désescalade après des jours de tension, a ajouté M. Yücesoy.

La mort de soldats irakiens ne constituerait pas un risque véritable pour l’Iran, ajoute-t-il, puisque Téhéran exerce un contrôle marqué sur le régime en place à Bagdad.

Le ministre des Affaires étrangères iranien, Javad Zarif, a indiqué sur son compte Twitter que le pays avait utilisé des mesures « proportionnées » pour répliquer à l’attaque ayant coûté la vie au général Soleimani.

« Nous ne voulons pas d’escalade ou de guerre, mais nous nous défendrons contre toute agression », a-t-il précisé.

Des soldats canadiens sur place ?

PHOTO RYAN REMIORZ, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le professeur Justin Massie, de l’UQAM, a indiqué hier qu’au moins une des bases irakiennes ciblées par l’Iran avait hébergé des soldats canadiens dans un passé récent, mais le ministère de la Défense n’a pas confirmé si certains étaient présents lors de l’attaque. Le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, a indiqué sur Twitter en fin de soirée que « tout le personnel » des Forces armées canadiennes dans le pays « était en sécurité ». Ses dirigeants avaient précisé plus tôt dans la journée qu’une partie des 500 soldats présents en Irak seraient transférés « dans les prochains jours » au Koweït pour des raisons de sécurité. Plusieurs autres États occidentaux ayant des soldats dans le pays ont fait des annonces similaires.