(Vienne) Les signataires de l’accord sur le nucléaire iranien se sont retrouvés mercredi pour tenter de calmer le jeu dans l’attente d’une nouvelle administration américaine, alors que l’Iran s’éloigne toujours plus de ses engagements.

La réunion, virtuelle pour cause de pandémie de COVID-19, a duré environ deux heures.  

« Les discussions vont se focaliser sur comment préserver l’accord nucléaire », conclu à Vienne en 2015, et « garantir sa mise en œuvre complète et équilibrée », avait écrit l’ambassadeur russe Mikhail Ulyanov sur son compte Twitter, avant le début de la rencontre.

En eaux troubles depuis le retrait américain en mai 2018 du pacte JCPoA, à l’initiative de Donald Trump, et le rétablissement de sanctions économiques par les États-Unis, le dossier iranien connaît de nouveaux soubresauts depuis l’assassinat fin novembre d’un éminent physicien nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh.

Ces dernières semaines, Téhéran a durci sa position. Au point que début décembre, Paris, Londres et Berlin ont exprimé leur « profonde préoccupation » face à l’installation de trois nouvelles cascades de centrifugeuses avancées d’enrichissement d’uranium à Natanz (centre de l’Iran).

Les trois pays se sont aussi alarmés de l’adoption par le Parlement iranien d’une loi controversée sur la question nucléaire qui, si elle était promulguée, signerait probablement la mort de l’accord.

Selon les médias locaux, le texte enjoint le gouvernement de prendre immédiatement des dispositions pour produire et stocker au « moins 120 kilogrammes par an d’uranium enrichi à 20 % » et l’appelle à « mettre fin » aux inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

La Russie a de même appelé l’Iran à faire preuve d’un maximum de « responsabilité » et à ne pas tomber dans la « surenchère ».

Signaux d’ouverture

Pour les différentes parties prenantes (Chine, France, Allemagne, Russie, Royaume-Uni), l’enjeu était de rappeler Téhéran à l’ordre.

« Nous leur avons dit de se plier à l’accord, de laisser la place à la diplomatie et de ne surtout pas mettre en œuvre la loi », résume un diplomate interrogé par l’AFP.

La réunion « intervient à un moment qui n’est pas le meilleur », poursuit cette source, car c’est l’expectative côté américain, à quelques semaines de l’investiture de Joe Biden à la Maison-Blanche.

Le vainqueur de la présidentielle américaine a confirmé sa volonté de revenir dans le giron de l’accord de Vienne, mettant en garde contre une course à la bombe atomique au Moyen-Orient.

Mais « les prochaines semaines vont sans doute être agitées », a commenté pour l’AFP Ellie Geranmayeh, experte du Conseil européen des relations internationales. « Les partisans de la pression maximale contre l’Iran vont travailler dur pour ruiner les chances de la diplomatie et d’une stabilisation de l’accord ».

Dans ce contexte déjà tendu, l’exécution samedi par l’Iran de l’opposant Rouhollah Zam, qui a suscité des réactions outrées dans le monde, est de nature à accroître les tensions sur le dossier nucléaire.

Dans un discours lundi à Berlin, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a cependant appelé à poursuivre le travail « pour maintenir en vie le JCPoa » (Joint comprehensive plan of action).

« Cet accord est la seule manière d’éviter que l’Iran ne devienne une puissance nucléaire », avait-il insisté quelques jours plus tôt, annonçant une réunion des ministres des pays signataires d’ici Noël.

À ce stade, malgré les crispations politiques, « la coopération se déroule normalement » sur le terrain, selon le diplomate.

Le président iranien Hassan Rohani, opposé au texte voté par les députés conservateurs, multiplie pour sa part les signaux d’ouverture à l’attention du prochain gouvernement américain.

Dès que les sanctions économiques seront levées, « nous reviendrons aussi à tous les engagements que nous avons pris », a-t-il récemment déclaré, invitant Joe Biden à ouvrir une nouvelle page en revenant à la « situation qui prévalait » avant la présidence du « tyran » Donald Trump.  

Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a toutefois tempéré l’enthousiasme mercredi. « Les inimitiés ne se limitent pas à l’Amérique de Trump et ne cesseront pas à son départ », a-t-il prévenu devant les hauts responsables de son pays.