(Téhéran) L’anthropologue franco-iranienne Fariba Adelkhah, détenue en Iran depuis juin 2019, a bénéficié samedi d’une permission de sortie et reste à Téhéran avec sa famille sous le contrôle d’un bracelet électronique.

Mme  Adelkhah « a été relâchée avec un bracelet électronique », a déclaré à l’AFP son avocat, Saïd Dehghan.

« Elle est maintenant avec sa famille à Téhéran. On ne nous a pas encore [donné] une date pour son retour en prison, mais nous espérons que cette libération temporaire deviendra définitive », a ajouté l’avocat sans fournir plus de détails.

« Au titre des mesures sanitaires et dans le cadre d’une permission pour cause médicale, Fariba est sortie de prison ce samedi 3 octobre 2020 et a regagné son domicile personnel où elle est assignée à résidence, sous contrôle d’un bracelet électronique », a indiqué de son côté le comité de soutien de la chercheuse dans un communiqué.

« Cela ne change rien au fond du problème. Fariba reste prisonnière scientifique, sous le coup d’une peine de prison de cinq ans, à l’issue d’un “procès” inique, sur la base d’accusations ineptes », estime le comité.

« Nous continuons donc à nous battre pour que l’innocence de notre collègue soit reconnue et qu’elle recouvre sa liberté de recherche et de mouvement. Mais nous pouvons désormais le faire avec un peu de baume au cœur », ajoute-t-il.

Spécialiste du chiisme et de l’Iran postrévolutionnaires à Sciences Po Paris, Mme  Adelkhah avait a été arrêtée début juin 2019 à Téhéran, tout comme son compagnon Roland Marchal, spécialiste réputé de l’Afrique venu lui rendre visite.

Ce dernier a été libéré en mars dans le cadre d’un échange de prisonniers. Mais la chercheuse, née en Iran en 1959 et vivant en France depuis 1977, a été condamnée le 16 mai dernier à cinq ans de prison pour « collusion en vue d’attenter à la sûreté nationale » et « propagande conte le système » politique de la République islamique.

« Cette condamnation n’est fondée sur aucun élément sérieux ou fait établi et revêt donc un caractère politique », avait réagi alors le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian.

 

« Procès de Kafka »

Le comité de soutien de Mme Adelkhah, qui a toujours dénoncé des accusations montées de toutes pièces contre cette chercheuse réputée pour son intégrité, avait dénoncé une procédure judiciaire ressemblant au « procès de Kafka ».

Dans un « message aux autorités iraniennes », le président français Emmanuel Macron avait jugé début juin que Mme  Adelkhah avait été « arbitrairement arrêtée en Iran ».

Jugeant « inacceptable qu’elle soit toujours emprisonnée », le président français avait ajouté que la « justice commande que notre compatriote soit immédiatement libérée ».

Les autorités iraniennes, qui ne reconnaissent pas la double nationalité, ont toujours qualifié « d’ingérences inacceptables » les multiples appels à la libération de Mme Adelkhah lancés par Paris.

L’universitaire, chercheuse au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris, a été très affaiblie par une grève de la faim de 49 jours entre fin décembre et février menée pour protester contre ses conditions de détention.

Me Dehghan a aussi indiqué qu’elle souffrait d’une « maladie rénale ».  

Après sa grève de la faim, le comité de soutien s’était alarmé que l’universitaire puisse contracter la maladie COVID-19 dans sa prison d’Evine (dans le Nord de Téhéran), l’Iran étant le pays du Moyen-Orient le plus touché par la pandémie.

Les arrestations d’étrangers en Iran, notamment des binationaux, souvent accusés d’espionnage, se sont multipliées depuis le retrait unilatéral en 2018 des États-Unis de l’accord international sur le nucléaire iranien et le rétablissement de dures sanctions américaines contre Téhéran.

Au cours des derniers mois, l’Iran a procédé à plusieurs échanges de prisonniers avec des pays détenant des ressortissants iraniens condamnés, en attente de procès, ou menacés d’extradition vers les États-Unis.