(Beyrouth) Au centre-ville de Beyrouth, dimanche, des cannettes de gaz lacrymogènes jonchaient le sol çà et là au lendemain d’une manifestation monstre contre le gouvernement, dans laquelle des manifestants et des forces de l’ordre se sont affrontés. Les confrontations ont repris de plus belle en soirée.

Des manifestants tentaient à nouveau de prendre d'assaut le parlement libanais dimanche soir, lançant des roches et tentant de défaire les barricades mises en place. Le mouvement ne semblait toutefois pas avoir l'ampleur de celle de la veille, avec des milliers de personnes dans les rues.

PHOTO JOSEPH EID, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les protestataires se sont réunis à proximité du parlement.

La colère des Libanais semblait avoir été quelque peu entendue dimanche : la ministre de l’Information, Manal Abdel Samad, a démissionné. « Je m’excuse auprès des Libanais, nous n’avons pu répondre à leurs attentes », a-t-elle déclaré devant la presse.

Dimanche soir, c'était au tour du ministre libanais de l’Environnement et du Développement administratif, Damianos Kattar d'annoncer sa démission dans un communiqué.

Mais même si tous les membres du gouvernement démissionnaient, ce ne serait pas suffisant pour apaiser Abed Tabbah, un homme de 71 ans croisé dimanche non loin de la place des Martyrs, lieu de rendez-vous des manifestants.

« L’État est pillé »

« Il faut un changement radical dans le système, a dit le retraité. Pour que ça réussisse, il faut que tout le peuple, sans exception, soit représenté. » Pour ce faire, il faut mettre fin au système confessionnel en cours au Liban, a précisé l’homme. Au Liban, le chef d’État doit être chrétien maronite, alors que le premier ministre doit être musulman sunnite et le chef de l’Assemblée nationale, musulman chiite. Traditionnellement, des personnes d’un même clan ou d’une même famille se sont succédé à la tête du pays.

Dans la main d’Abed Tabbah, une pancarte jaune portait deux messages : « Vous étiez pires que la corruption, maintenant vous êtes pire que la criminalité » et « L’État n’est pas en désastre, l’État est pillé ».

Il se dirigeait vers la place des Martyrs, ayant entendu dire que les manifestations se poursuivraient.

Des dizaines de personnes s’y trouvaient. Les potences, installées la veille pour symboliser la mise à mort politique des dirigeants, y étaient toujours.

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Un manifestant utilise un lance-pierre pour tirer des objets en direction des forces de l'ordre.

Le calme régnait en après-midi, loin des heurts de la veille dans lesquels un policier est mort et 250 personnes ont été hospitalisées.

Ali Hassan, un casque rouge sur la tête, attendait de voir si le mouvement allait recommencer ses revendications. Étudiant de 22 ans, il n’a pas participé au mouvement de révolution lancé en octobre 2019 dénonçant la crise économique et la corruption. C’est l’explosion dans le port de Beyrouth survenu mardi dernier qui l’a poussé à, lui aussi, demander le départ du gouvernement, qui est montré du doigt pour négligence.

« Mes oncles, mes cousins ont perdu leur maison, a-t-il dit. J’ai des amis à l’hôpital. » Un de ses copains, travailleur au port de Beyrouth, est mort à l’âge de 35 ans dans l’explosion, a-t-il dit.

Je veux que Beyrouth redevienne le Beyrouth d’avant.

Ali Hassan, 22 ans

Jana Hammoud balayait les déchets laissés au pied de la statue la veille. La jeune fille de 12 ans était outrée : si elle veut, elle aussi, la fin du gouvernement, elle n’était pas d’accord avec toutes les tactiques employées par des groupes de manifestants, qui ont pris d’assaut les infrastructures gouvernementales, réussissant à pénétrer dans le ministère des Affaires étrangères, notamment.

« Si les policiers ont utilisé des gaz lacrymogènes, c’est qu’ils n’avaient pas le choix », a-t-elle dit, déplorant aussi la violence des images de pendaison. « Je ne veux pas voir mon pays comme ça », a-t-elle ajouté.