(Beyrouth) Dans les quartiers de Beyrouth dévastés par la double explosion de mardi, de nombreux volontaires étaient à l’œuvre vendredi, un balai ou une pelle à la main. Pour les Libanais, l’heure est au ménage. Celui des verres brisés et des briques pulvérisées. Mais un grand nombre réclament aussi un nettoyage politique.

À Gemmayzé, de nombreux immeubles ont été partiellement démolis par l’explosion. Les sacs à ordures remplis de débris s’accumulent en amoncellements ici et là, sur lesquels sont jetés des branches d’arbres cassées et des matériaux plus volumineux. En bordure du trottoir, des voitures défoncées servent de canevas pour écrire des messages dans la poussière les recouvrant. Des fils électriques tiennent de façon précaire grâce à des poteaux improvisés.

PHOTO THIBAULT CAMUS, ASSOCIATED PRESS

Des débris sont enlevés sur le site d’un hôpital de Beyrouth endommagé lors des explosions de mardi.

Des volontaires ont convergé vers les quartiers touchés pour prêter main-forte. « C’est important, c’est notre travail, on va s’aider », a dit à La Presse Malak Dayekh, une adolescente de 16 ans venue avec ses amis de la banlieue pour contribuer à remettre la ville sur pied.

L’explosion de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium, qui a fait au moins 149 morts et des milliers de blessés mardi, est survenue au port de Beyrouth, non loin de Gemmayzé. Des dizaines de personnes sont encore portées disparues.

PHOTO JOSEPH EID, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des photos de disparus ont été apposées sur la base de la statue des Martyrs.

Pascal Haiby était en pause devant le bar où il travaille lorsque l’explosion est survenue. Il y est revenu tous les jours pour tenter d’aider les propriétaires avec les décombres. « Je suis encore sous le choc », a-t-il confié, les yeux fixes. Lui-même n’a pas été blessé, mais a raconté avoir vu plusieurs personnes recouvertes de sang devant lui. À cela s’est ajoutée la perte de son emploi et de sa voiture, dans un pays où sévit une crise économique.

La colère gronde

Au milieu de la solidarité, la colère bouillonne. « Aujourd’hui est un autre jour de nettoyage à enlever les dégâts à Beyrouth. Demain, on nettoie Beyrouth d’eux et de leur corruption », pouvait-on lire sur un tract distribué sous les essuie-glace des voitures, invitant les Libanais à une manifestation samedi en fin de journée.

Un couple à moto est passé dans la rue en klaxonnant et en criant qu’aucun des politiciens en place n’était bon. Des haut-parleurs dans une boîte de camion transmettaient à tue-tête des chants utilisés lors des manifestations débutées à l’automne.

La COVID-19 a mis un frein à l’élan, à cette « révolution » entamée en octobre pour dénoncer la corruption et la politique. L’explosion de mardi, attribuée à une possible négligence, a redonné un souffle au mouvement.

« Je crois que c’est une opportunité, malheureusement », a dit Aline Germani. La femme est active au sein du mouvement politique ReLebanon et se trouvait vendredi sous une tente installée par l’organisation pour soutenir les bénévoles en leur offrant de l’eau, des masques, des gants et des outils.

« Il faudrait que le peuple soit prêt à changer », a-t-elle remarqué.