(Beyrouth) Du maïs qui se déverse d’un énorme silo éventré jusqu’à la cheville, des secouristes guident une tractopelle qui déblaye l’accès à la salle de commande où des employés du port de Beyrouth pourraient être toujours vivants.

Trois jours après l’énorme déflagration qui a défiguré la capitale libanaise en quelques secondes, faisant plus de 150 morts, les chances de retrouver des survivants s’amenuisent.

Des secouristes libanais, français, allemands, russes et d’autres nationalités travaillent en équipes pour essayer de se frayer un accès à la salle de contrôle enfouie sous plusieurs mètres de gravats.

Le « point zéro » de Beyrouth, terme décrivant le lieu précis où s’est produite une détonation, employé pour la première fois lors des bombes atomiques de 1945 sur Hiroshima et Nagasaki, grouille d’équipes de sauveteurs tentant désespérément de trouver des survivants.

« Ne nous mentons pas, les chances sont assez faibles », dit le lieutenant Andrea, membre du contingent français de 55 membres, en première ligne des efforts de sauvetage.

PHOTO THIBAULT CAMUS, ASSOCIATED PRESS

« Mais ça s’est déjà vu » de retrouver des survivants trois ou quatre jours plus tard, ajoute-t-il, devant les silos brûlés, sa silhouette se détachant sur la ligne d’horizon ravagée de Beyrouth.

Le lieutenant explique que les efforts se concentrent sur la salle de contrôle, où un grand nombre de personnes se trouvaient peut-être au moment de l’explosion.

Mais il indique qu’il y a une possibilité que le personnel se soit échappé, de petites explosions ayant précédé la grosse déflagration.

« Les quatre personnes retrouvées sur zone […] étaient à proximité d’un escalier de secours au bas des silos », ajoute-t-il.

« Tout a été pulvérisé »

Des milliers de tonnes de maïs, de blé et d’orge projetés hors des silos par l’explosion tapissent la vaste étendue du port.

Un calme étrange règne sur les quais, d’habitude animés avec un ballet de voitures, de commerçants et d’employés.

Les sauveteurs se penchent en silence sur un cratère dans le sol, alors qu’un chien renifleur se fraye un chemin dans une forêt de conteneurs détruits, renversés comme des carrés de sucre.

PHOTO JOSEPH EID, AGENCE FRANCE-PRESSE

La cargaison qui s’en échappe donne une idée des marchandises qui étaient importées : des livres scolaires en français, des sacs à main de luxe, des caisses de bière importée.

Trois volontaires de la Croix-Rouge semblent médusés alors qu’ils marchent autour du site de l’explosion, avant de s’arrêter au bord de l’eau pour regarder leur ville dévastée.

« Cela semble si calme, mais étrangement calme. Quelque chose dans cette ville est mort, et ne se relèvera plus », dit l’un d’eux, les poings sur les hanches, le regard perdu dans les destructions devant lui.

Seul résonne le bruit de gros tractopelles, tentant de libérer un accès parmi les décombres, celui des scies rotatives coupant les tiges de fer et des marteaux-piqueurs brisant des blocs de béton.

Le colonel Vincent Tissier, chef de l’équipe de la sécurité civile française, qui a informé le président Emmanuel Macron de l’avancée des recherches lors de sa visite au Liban jeudi, a travaillé sur de nombreux sites de catastrophes.

La « particularité » du drame de Beyrouth est que « l’épicentre est à quelques mètres de nous, alors que dans un séisme, il est souvent à plusieurs centaines de mètres sous terre », explique-t-il.

« Les choses s’effondrent en général par couches, par étages. Ici, tout a été pulvérisé », ajoute-t-il.

C’est pourquoi les lourdes machines convergeant vers le port de Beyrouth vendredi ont dû creuser dans des monticules de gravats.

« De voir ces silos qui font penser à Ground zero, encore debout mais pas vraiment, c’est très marquant », ajoute-t-il en référence aux attaques du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles de New York, aux États-Unis.

« Au personnel de la sécurité civile, cela rappelle Haïti en 2010 », poursuit lieutenant Andrea. « La différence ici est que ce n’est pas un tremblement de terre. C’est l’homme qui l’a fait », conclut-il.