(Jérusalem) Popularité en chute libre et manifestations : le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou fait face à des critiques de plus en plus virulentes en raison de la résurgence de l’épidémie de COVID-19, qui a poussé le gouvernement à rétablir vendredi des restrictions.

Pour « éviter un confinement général en raison de la forte augmentation de la morbidité liée au coronavirus », le bureau du premier ministre et le ministère de la Santé ont annoncé que la plupart des commerces non essentiels et lieux publics seraient fermés le week-end jusqu’à nouvel ordre.

Plus pérenne des premiers ministres israéliens, Benyamin Nétanyahou a essuyé d’autres crises mais semble trébucher sur celle de la pandémie.

Selon un sondage de la chaîne 13 publié cette semaine, 61 % des électeurs sont « mécontents » de sa gestion de l’épidémie.

Un net revirement car les mesures très strictes prises au début de la crise lui avaient valu un regain de popularité.

Selon le centre de recherche Israel Democracy Institute (IDI), le soutien à M. Nétanyahou est passé de 57,5 % à 29,5 % entre avril et juillet.

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Une manifestation pour dénoncer la corruption a eu lieu devant la résidence du premier ministre Benyamin Nétanyahou, le 16 juillet.

Les partis juifs ultra-orthodoxes, alliés du premier ministre et dont le soutien a été essentiel pour le maintenir au pouvoir, ont exprimé leur frustration face au risque d’une nouvelle fermeture des synagogues.

Le premier ministre s’est engagé cette semaine auprès des chefs religieux à tenir des consultations avant toute fermeture, assurant vouloir atténuer leur « désarroi ».

Mea culpa

Comme d’autres dirigeants, il a dû gérer la nécessité de rouvrir l’économie tout en évitant une seconde vague.

Pari perdu : la propagation a repris et les protestations contre les difficultés économiques se multiplient, le taux de chômage ayant bondi de 3,4 % en février à 23,5 % en mai.

Des milliers de personnes ont manifesté samedi soir à Tel-Aviv. Des accrochages et de nombreuses arrestations ont eu lieu mardi lors d’un rassemblement devant la résidence de Benyamin Nétanyahou à Jérusalem.

Ce dernier a fait son mea culpa pour la réouverture trop rapide de l’économie, qui a abouti à une recrudescence des nouveaux cas.

En conséquence, les salles de sport doivent fermer jusqu’à nouvel ordre. Les commerces, salons de beauté et les lieux publics (bibliothèques, piscines, etc) doivent baisser leur rideau du vendredi, début du congé hebdomadaire de shabbat, au dimanche. Les restaurants doivent se limiter dès mardi aux livraisons ou à la vente à emporter.

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Les rassemblements de plus de 10 personnes dans les lieux clos, et 20 en plein air, sont aussi interdits. Une décision « politique » pour empêcher les manifestations, estime le député Ofer Cassif de la Liste unie, l’alliance des partis arabes et communiste.

Toute violation sera considérée comme « un délit », ont prévenu les autorités vendredi.

Pour calmer la grogne sociale, le premier ministre a annoncé un plan de 90 milliards de shekels (environ 35,5 milliards de dollars canadiens), comportant des aides pour « tous les citoyens ».

« Négligence »

Pour Dan Ben David, professeur à l’université de Tel-Aviv, Benyamin Nétanyahou est responsable des erreurs dans la gestion de la crise qui a mis en exergue sa négligence au cours de ses onze ans de mandat.

Il « ne s’est pas soucié sérieusement de […] la politique intérieure », affirme le chercheur, ajoutant que priorité avait plutôt été donnée à la sécurité, à la diplomatie et à la macroéconomie.

Les décisions clés pendant la crise ne sont pas revenues au ministère de la Santé, affaibli, mais à Benyamin Nétanyahou, alors occupé par son procès pour corruption et par son projet d’annexer des pans de la Cisjordanie occupée, selon des analystes.

Les appels se sont multipliés pour la nomination d’un responsable de la lutte contre le coronavirus. Mais, selon certains experts, M. Nétanyahou résiste car cela donnerait du pouvoir à une autre personnalité.

D’après la chaîne 13 et l’IDI, près de la moitié des Israéliens estiment que l’ancien ministre de la Défense Naftali Bennett devrait occuper ce poste.

M. Bennett, qui a publié un plan d’action détaillé face au coronavirus, a relayé les critiques de spécialistes de la santé publique estimant que le gouvernement n’était pas parvenu à développer des tests adéquats ni des capacités d’enquêtes épidémiologiques suffisantes.

Ce membre de la droite nationaliste fait partie de l’opposition. Il est à couteaux tirés avec le premier ministre, qui a formé un gouvernement d’union avec son ex-rival Benny Gantz, chef d’un parti centriste.  

Il a déclaré jeudi avoir sollicité le poste, sans avoir encore reçu de réponse.