(Bagdad) Deux manifestants protestant contre le gouvernement irakien ont été tués vendredi à Bagdad lors d’affrontements avec les forces de sécurité, quelques heures après un rassemblement de partisans du leader chiite Moqtada Sadr réclamant l’expulsion des troupes américaines d’Irak.

Afin de ne pas être éclipsés par la marche antiaméricaine, qui s’est tenue sans incident en début de journée, des milliers de manifestants antigouvernementaux ont afflué vendredi après-midi sur la place Tahrir, épicentre de la contestation qui réclame depuis le 1er octobre des réformes politiques profondes.

Deux protestataires sont morts dans des affrontements, selon des sources médicales et policières. L’un a été tué d’une balle dans le cou et le second par une grenade lacrymogène, selon ces sources, tandis que des dizaines ont été blessés.

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Parallèlement à la contestation anti-américaine, de jeunes manifestants ont relancé leurs manifestations réclamant du gouvernement irakien des réformes en profondeur.

Les manifestants antigouvernementaux ont relancé leur mouvement ces derniers jours en bloquant de nombreuses routes à Bagdad et dans le sud. Les violences depuis le début octobre ont fait plus de 470 morts, en majorité des protestataires, selon des sources sécuritaires et médicales.

Karrar al-Saadi, l’un des manifestants, a déclaré à l’AFP que « le retour des manifestants à Tahrir » visait à montrer qu’ils étaient toujours là, et à « protéger le caractère pacifique » du mouvement.

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Des manifestations anti-gouvernement sans lien avec la grogne anti-américaine ont repris hier à la place Tahrir de Baghdad.

Sous la pression de la rue, le premier ministre Adel Abdel Mahdi a démissionné en décembre, mais continue de gérer les affaires courantes, les partis politiques ne parvenant pas à s’entendre sur un successeur.

Peu avant, une manifestation anti-américaine

Quelques heures plus tôt, dans le quartier de Jadriyah, une foule de fidèles de Moqtada Sadr, hommes, femmes et enfants parfois venus en bus d’autres régions, se sont rassemblés aux cris de « Dehors, dehors, occupant » ou « Oui à la souveraineté », agitant des drapeaux irakiens.  

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Des partisans de l'imam chiite Moqtada al-Sadr ont manifesté contre la présence américaine en Iraq.

Certains brandissaient des panneaux où était inscrit « Mort à l’Amérique » en arabe et en anglais, tandis qu’un manifestant tenait une pancarte montrant le président américain Donald Trump sur un gibet.  

Dans un communiqué lu par un porte-parole, Moqtada Sadr a appelé au retrait des forces américaines d’Irak, à l’annulation des accords sécuritaires entre Bagdad et Washington et à la fermeture de l’espace aérien irakien aux avions militaires américains.  

Le leader chiite a aussi appelé M. Trump à ne pas être « arrogant » face aux responsables irakiens. « Si tout cela est fait, nous traiterons (avec les États-Unis) comme avec un pays non occupant – sinon, nous les considérerons comme un pays hostile à l’Irak », a-t-il ajouté.

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Moqtada Sadr

Le sentiment antiaméricain est à son comble en Irak depuis la mort, le 3 janvier, du général Qassem Soleimani, émissaire iranien, dans un raid de drone américain à Bagdad, qui a entraîné une escalade des tensions entre Téhéran et Washington, ennemis jurés, mais puissances agissantes en Irak.

Deux jours après la mort de Qassem Soleimani, le Parlement irakien a voté en faveur du départ des troupes étrangères, dont 5200 militaires américains déployés pour aider les Irakiens dans la lutte antidjihadiste.

L’appel de Moqtada Sadr a été soutenu par plusieurs factions paramilitaires irakiennes comme celles, pro-iraniennes, du Hachd al-Chaabi, habituellement rivales de M. Sadr.

Le quartier de Jadriyah se situe sur la rive du Tigre opposée à la Zone verte, ultrasécurisée, qui abrite l’ambassade américaine et les principales institutions, et des responsables irakiens et diplomates craignaient qu’elle ne soit prise d’assaut par les pro-Sadr, ou qu’ils s’en prennent aux manifestants antipouvoir sur la place Tahrir.