(Téhéran) Le président Hassan Rohani a défendu lundi l’option du dialogue pour résoudre la crise autour du programme nucléaire iranien, face à des critiques de l’aile dure du régime après la visite surprise du ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif en France.

« Je pense que nous devons utiliser tous les outils pour [servir] les intérêts nationaux », a affirmé le président Rohani dans un discours retransmis en direct par la télévision d’État.

« Si je sais que je vais à une réunion susceptible de conduire à la prospérité dans mon pays et de régler les problèmes des gens, je n’hésite pas », a-t-il ajouté.

« L’essentiel est l’intérêt national », a-t-il insisté sous les applaudissements du public, lors d’un évènement marquant les réalisations du gouvernement dans les zones rurales.

Le gouvernement iranien fait face à des critiques après la visite surprise de M. Zarif, invité dimanche à Biarritz par le président français Emmanuel Macron, en marge du G7.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE MOHAMMAD JAVAD ZARIF VIA AFP

Le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif (à gauche) a participé à une réunion en marge du G7, dimanche à Biarritz.

M. Zarif a rencontré M. Macron et son homologue Jean-Yves Le Drian ainsi que des représentants des deux autres pays européens — Allemagne et Grande-Bretagne — signataires de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015.

Cet accord a été dénoncé par les États-Unis, qui ont réimposé des sanctions économiques étouffant l’Iran.

« Malvenu »

L’administration du président Donald Trump applique une politique de pression maximale sur Téhéran, qui a répliqué en se libérant progressivement des limitations de son programme nucléaire prévues par l’accord.

Lundi, le journal ultraconservateur Kayhan a qualifié de « malvenu » le déplacement de M. Zarif en France.

Kayhan a jugé que le fait qu’il s’agisse de la deuxième visite de ce responsable en France en quelques jours envoyait « un message de faiblesse et de désespoir ».

Ces démarches « sont entreprises dans l’optique imaginaire d’une ouverture mais cela ne donnera aucun autre résultat que davantage d’insolence et de pression » de la part des États-Unis, a critiqué le journal.

Le représentant au sein des Gardiens de la révolution islamique du guide suprême a aussi jugé ces efforts vains.

Leur « hostilité envers la Révolution islamique et ce conflit sont sans fin ; on ne peut parvenir à une solution ou une réconciliation par […] le dialogue », a dit Abdollah Haji-Sadeghi.

« Nous ne devrions pas nous attendre à quoi que ce soit d’autre que de […] l’hostilité », a-t-il affirmé selon l’agence semi-officielle Isna.

« Deux mains »

En revanche, dans le journal réformiste Etemad, la visite de M. Zarif est jugée comme le « moment le plus prometteur » depuis le retrait unilatéral de Washington de l’accord il y a 15 mois.

« Vu les efforts déployés par [Emmanuel] Macron ces derniers mois, on peut espérer que les réponses de [Donald] Trump aux idées de Macron ont été la raison principale du déplacement de Zarif […] à Biarritz », a avancé le journal.

La montée des tensions entre l’Iran et les États-Unis, avec des attaques mystérieuses sur des navires dans la région stratégique du Golfe, des drones abattus et des pétroliers saisis, a fait craindre une escalade incontrôlable.  

Tout en défendant le dialogue, le président Rohani s’est dit en faveur d’un usage concomitant de la manière forte.

« S’ils saisissent notre navire quelque part […], nous négocions […] et nous pouvons aussi saisir leur bateau pour des raisons légales », a-t-il dit.

Il faisait référence à un pétrolier iranien saisi au large de Gibraltar et qui a été depuis libéré par les autorités britanniques, et à la saisie par l’Iran le 19 juillet, 15 jours après cet arraisonnement, d’un pétrolier battant pavillon britannique. Ce navire est toujours retenu dans le Golfe.

PHOTO JON NAZCA, RARCHIVESEUTERS

Le pétrolier Adrian Darya 1, auparavant appelé le Grace 1, arraisonné dans le détroit de Gibraltar, le 18 août

« Nous pouvons travailler avec les deux mains […], la main de la force et la main de la diplomatie », a-t-il noté.

« Nous devons utiliser notre […] puissance militaire et sécuritaire, notre puissance économique et culturelle et notre puissance politique. Nous devons négocier. Nous devons trouver des solutions ».

« Même si les chances de réussite […] sont de 10 %, nous devons nous efforcer et nous lancer », a encore plaidé M. Rohani.