Sur fond de vives tensions avec les États-Unis, l’Iran a annoncé hier avoir saisi un pétrolier étranger dans le golfe Persique. L’administration américaine a ensuite fait savoir qu’un de ses navires militaires avait abattu un drone iranien dans cette zone sensible en reprochant à Téhéran de multiplier les « agressions ».

Dans quelles circonstances le pétrolier a-t-il été saisi ?

Les autorités iraniennes indiquent qu’elles sont intervenues dimanche pour venir en aide à un navire étranger ayant émis un appel de détresse à proximité de l’île de Larak, dans le détroit d’Ormuz. Ils affirment l’avoir remorqué et subséquemment saisi sur ordre de la cour après avoir conclu que ses occupants se livraient à de la contrebande de carburant. Téhéran n’a pas précisé le nom ou le pays d’origine du bateau. Il pourrait s’agir du Riah, un pétrolier venant des Émirats arabes unis qui avait disparu des radars dimanche alors qu’il passait dans cette zone.

S’agit-il d’un moyen de pression de l’Iran ?

Les suppositions à ce sujet allaient bon train hier puisque l’annonce de la saisie du bateau survient quelques jours à peine après que les autorités anglaises eurent intercepté un pétrolier iranien circulant à proximité de Gibraltar. Londres a dit vouloir s’assurer que le chargement n’allait pas être livré illégalement à la Syrie. Les autorités iraniennes soupçonnent le pays d’avoir agi à la demande des États-Unis et avaient promis de répliquer « au moment opportun ». Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a maintenu hier que la saisie était une procédure de contrôle maritime et ne constituait pas une mesure de représailles.

Les démentis de Téhéran sont-ils crédibles ?

Naysan Rafati, spécialiste de l’Iran rattaché à l’International Crisis Group, a indiqué hier que les informations disponibles relativement au bateau saisi ne permettaient pas de tirer une conclusion définitive quant aux intentions du pays. Cette initiative s’inscrit toutefois dans une « dynamique d’escalade très prononcée » entre Téhéran et Washington qui rappelle une crise similaire survenue dans la région dans les années 80. L’administration américaine a notamment accusé l’Iran d’être responsable d’attaques visant quatre pétroliers ayant emprunté le détroit d’Ormuz au cours des derniers mois. Les tensions avaient atteint un sommet en juin après que l’Iran eut abattu un drone de surveillance américain. Washington avait envisagé une série de frappes aériennes en guise de réplique, mais le président Donald Trump avait décidé de surseoir à l’opération à la dernière minute. Le ministre iranien a indiqué en entrevue à la chaîne américaine NBC, il y a quelques jours, que la « prudence » avait prévalu puisque le chef d’État américain savait que l’Iran ne « prendrait pas une attaque militaire à la légère ».

Dans quel contexte est survenue hier la destruction du drone iranien ?

C’est Donald Trump lui-même qui a annoncé hier qu’un vaisseau militaire circulant dans le golfe Persique avait abattu le drone. Il a précisé que l’appareil volant s’était approché de façon menaçante à moins de « 1000 verges » du USS Boxer et n’avait pas réagi aux sommations des autorités de changer de cap. L’incident risque de renforcer la volonté de Washington de constituer une coalition pour assurer le passage en toute sécurité des pétroliers dans la région et contrer les « agressions » iraniennes. Un sommet regroupant plusieurs dizaines de pays est prévu à l’automne pour y donner forme. Le déploiement prévisible d’un nombre accru de vaisseaux militaires dans la zone s’accompagne d’un risque accru de dérapage, prévient M. Rafati. « Il y a déjà beaucoup de ressources en mouvement dans la région. Ça augmente les risques que quelque chose arrive même si les deux camps ne le planifiaient pas nécessairement », a-t-il précisé.

Que cherchent les deux pays ?

Les États-Unis se sont retirés l’année dernière de l’accord sur le programme nucléaire iranien à l’initiative de Donald Trump, qui dit vouloir obtenir un accord plus contraignant pour empêcher le développement éventuel d’une arme atomique. L’administration a parallèlement mis en place des sanctions plus sévères, qui contreviennent à l’accord et fragilisent l’économie iranienne. Téhéran souhaite que Washington réintègre l’accord et lève les sanctions, et a proposé hier d’avancer l’adoption formelle d’un protocole d’inspection plus sévère visant à garantir que le régime ne cherche pas à développer d’armes nucléaires. M. Rafati note que ces mesures de contrôle sont déjà appliquées sur le terrain et semblent peu susceptibles de faire bouger la Maison-Blanche. « Mais qui sait [ce que fera Donald Trump] ? Il pourrait très bien sauter sur l’occasion », dit-il.