(Ottawa) Une haute représentante du gouvernement de la région autonome du Kurdistan irakien exhorte le Canada à soutenir à nouveau les forces de sécurité kurdes en fournissant de l’équipement et de l’entraînement aux combattants qui ont servi aux côtés des militaires canadiens dans la guerre contre Daech (groupe armé État islamique).

La plus haute diplomate à Washington du gouvernement régional du Kurdistan, Bayan Sami Abdul Rahman, assure qu’il ne subsiste aucun ressentiment à l’égard du Canada pour avoir mis fin, en 2017, à des années de collaboration et de soutien envers les militaires kurdes appelés les peshmergas.

Selon Mme Abdul Rahman, les forces kurdes ont encore besoin d’entraînement et d’équipement pour continuer de défendre la région contre une résurgence de Daech et d’autres menaces. Toute contribution du Canada serait la bienvenue, ajoute-t-elle, au moment où le gouvernement régional planche sur une réforme de son armée afin d’optimiser sa capacité de défense.

« Nous sommes engagés dans ce processus parce que l’on reconnaît que le Kurdistan a besoin d’une armée nationale unifiée et professionnelle, a commenté l’ambassadrice. Cette réforme est un projet à long terme… le Canada pourrait jouer un rôle dans plusieurs facettes du programme. »

La décision du Canada de mettre fin à sa collaboration avec les peshmergas faisait suite à une montée de la violence entre les forces kurdes et celles du gouvernement irakien en octobre 2017. L’État convoitait des territoires riches en pétrole au nord du pays. Ces zones ont été libérées de l’occupation des combattants de Daech en Irak et au Levant.

Au moment de la rupture, les forces spéciales canadiennes avaient consacré trois ans à entraîner et à conseiller les militaires kurdes afin de les aider à défendre leur territoire autonome contre Daech. Les deux camps avaient combattu ensemble afin de libérer de grandes régions sous le joug de Daech.

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau a récemment annoncé le prolongement de l’intervention canadienne en Irak jusqu’en 2021. L’objectif principal consiste à entraîner les forces militaires irakiennes, plutôt que kurdes, par l’entremise de l’OTAN et d’autres partenariats.

Comme Daech ne représente plus une menace directe pour les Kurdes, « on peut comprendre que certains partenaires de la coalition portent leur attention ailleurs », a commenté Mme Abdul Rahman lors d’un récent entretien en marge de sa visite à Ottawa. « Alors, il n’a a aucun ressentiment ou quoi que ce soit du genre », a-t-elle insisté.

La diplomate rappelle que les peshmergas accueilleraient bien les millions de dollars en armement promis par le Canada, mais qui sont tombés dans l’oubli à la suite de la suspension de l’aide canadienne. Elle admet toutefois s’attendre à ce que ces armes ne soient jamais livrées.

Bayan Sami Abdul Rahman espère aussi que le Canada va emboîter le pas à d’autres pays qui ont entrepris de renforcer leur présence diplomatique à Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan.

Tenir l’Irak à l’œil

Bayan Sami Abdul Rahman prie également le Canada de rester attentif à ce qu’il se passe dans son pays, prévenant que la situation actuelle demeure extrêmement fragile malgré la défaite de Daech.

L’ambassadrice souligne que la communauté internationale a tendance à abandonner l’Irak à son sort après être intervenue pour résoudre une crise majeure, mais sans s’attarder à régler le problème à la source.

Elle cite le scénario de 2011 quand les États-Unis et leurs alliés ont quitté l’Irak. Un départ qui a ouvert la porte à l’éclosion de Daech.

« Quand l’Irak est en crise et qu’il se passe quelque chose de grave, là on a de l’attention, a-t-elle soutenu. Et dès qu’on a remis le couvercle sur la marmite, sans complètement régler la crise, on laisse l’Irak se débrouiller avec une tonne de problèmes qui bouillonnent sous la surface. »

Bayan Sami Abdul Rahman affirme que ces problèmes sont très nombreux en ce moment avec les combattants de Daech qui continuent de rôder dans le pays, ou qui croupissent dans des camps d’internement avec leurs familles. Plus de 1,5 million de personnes sont aussi entassées dans des camps de réfugiés.

Des conflits entre groupes ethniques ou religieux apparaissent également comme de nouvelles sources d’inquiétudes pour la communauté internationale. La grogne commence également à se faire sentir chez les Irakiens qui dénoncent le rythme trop lent de la reconstruction du pays.