Les tensions entre l’Iran et les États-Unis ont encore monté d’un cran hier à la suite d’une attaque contre deux pétroliers circulant à proximité du détroit d’Ormuz. Washington s’est empressé de blâmer Téhéran, qui dénonce une manipulation visant à précipiter un affrontement direct entre les deux pays.

Que s’est-il passé en mer d’Oman ?

Des pétroliers, norvégien et japonais, ont été visés hier matin alors qu’ils circulaient dans la mer d’Oman, non loin du détroit d’Ormuz. Les deux navires se sont retrouvés à la dérive et leur personnel a dû être évacué avec l’aide de la marine iranienne. L’association regroupant les propriétaires indépendants de pétroliers, Intertanko, a indiqué que les navires avaient été frappés au niveau de la ligne de flottaison ou au-dessous, mais n’a pas précisé la nature des armes utilisées. L’utilisation de torpilles et de mines a été évoquée par un haut responsable américain, mais aucune confirmation officielle n’a été donnée.

Qui est responsable de l’attaque ?

L’administration américaine, qui fait pression sur l’Iran depuis des mois, a accusé en après-midi le pays d’être directement responsable de l’attaque. Le secrétaire d’État Mike Pompeo a déclaré que l’analyse des armes utilisées et l’évaluation de l’expertise requise pour mener ces frappes dans cette zone sensible avaient mené à cette conclusion. Il a précisé qu’aucun groupe apparenté à Téhéran n’avait la capacité de mener une opération demandant un tel niveau de « sophistication ». M. Pompeo a aussi réitéré sa conviction que l’Iran est responsable d’une attaque survenue il y a quelques mois contre d’autres pétroliers circulant à proximité des Émirats arabes unis. Ce pays avait alors évoqué l’action d’une « entité étatique » sans désigner précisément l’Iran.

Comment a réagi le régime iranien ?

Téhéran affirme n’avoir joué aucun rôle dans les attaques survenues hier, tout comme il dément être à l’origine de celles qui sont survenues il y a quelques mois. Sur Twitter, le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, a indiqué hier que ce qui était arrivé dans la mer d’Oman était « plus que suspect ». Il a souligné que les frappes, visant notamment des intérêts japonais, étaient survenues alors que le guide suprême de la Révolution islamique, l’ayatollah Ali Khameini, rencontrait le premier ministre japonais Shinzo Abe pour des pourparlers « amicaux ». Le politicien nippon cherchait apparemment à se positionner en intermédiaire entre Téhéran et les États-Unis pour favoriser un rapprochement.

Les démentis iraniens sont-ils crédibles ?

Avi Vaez, un spécialiste de l’Iran rattaché à l’International Crisis Group, a indiqué hier qu’il était trop tôt pour déterminer précisément qui est à l’origine des frappes. Il est possible, dit-il, que Téhéran ait durci sa position et décidé de passer à l’acte pour répondre aux États-Unis en choisissant un endroit d’une grande importance stratégique. Le détroit d’Ormuz, rappelle M. Vaez, est un passage-clé où passe près de 30 % du pétrole de la planète. L’analyste de l’International Crisis Group note qu’il ne faut pas écarter la possibilité qu’un pays tiers hostile à l’Iran, comme l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis, puisse vouloir jeter le blâme sur Téhéran, de manière à précipiter un conflit avec les États-Unis qui servirait leur intérêt. Le secrétaire général des Nations unies, António Gutteres, a lancé un appel au calme hier, soulignant que le monde ne peut se permettre « un affrontement majeur dans le golfe Persique ».

Que cherche l’administration américaine ?

M. Vaez note que l’administration américaine semble divisée dans ce dossier. Le président Donald Trump, après avoir rejeté l’accord conclu par son prédécesseur avec Téhéran pour baliser le programme nucléaire du pays, semble vouloir convaincre le régime de renégocier une entente plus contraignante. La plupart des autres membres de l’administration, que ce soit Mike Pompeo ou le conseiller à la Sécurité nationale John Bolton, veulent renverser le régime ou le faire imploser, relève l’analyste. Les sanctions économiques appliquées à l’Iran frappent durement le pays et compliquent la position du gouvernement. Le régime, note M. Vaez, a fait preuve, initialement, d’une « patience extrême » envers l’administration Trump, mais est aujourd’hui contraint de réagir. Bien que plusieurs pays européens les incitent à ne pas le faire, les dirigeants iraniens ont déjà annoncé qu’ils entendaient reprendre en juillet l’enrichissement d’uranium au-delà du seuil maximal prévu dans l’accord désavoué par Donald Trump.