(Riyad et Dubaï) Des attaques de drones revendiquées par des rebelles yéménites ont provoqué la fermeture d’un oléoduc majeur mardi en Arabie saoudite, faisant monter d’un cran les tensions dans le Golfe deux jours après le sabotage mystérieux de quatre navires dont deux tankers saoudiens.  

Premier exportateur de pétrole, le royaume saoudien a affirmé que deux stations de pompage dans la région de Riyad avaient été visées tôt par des «drones armés», ce qui a provoqué un «incendie» et des «dégâts mineurs» à une station, avant que le sinistre ne soit maîtrisé.

Principale rivale de l’Iran au Moyen-Orient, l’Arabie saoudite intervient militairement au Yémen depuis 2015, ainsi que les Émirats arabes unis, aux côtés des forces gouvernementales contre les rebelles Houthis soutenus par Téhéran, qui dément néanmoins leur fournir des armes.

Riyad est en outre un proche allié des États-Unis qui ont renforcé les sanctions économiques contre Téhéran liées au dossier nucléaire, de même que leur présence militaire dans la région en arguant de «menaces» iraniennes.

Mais le secrétaire d’État Mike Pompeo, tout en se montrant favorable au maintien des pressions sur l’Iran, ennemi juré de l’administration Trump, a déclaré depuis la Russie : «Fondamentalement, nous ne cherchons pas une guerre avec l’Iran».

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Une installation d'Aramco à Ras Tanura, dans le golfe Persique.

Face aux tensions croissantes, les cours du pétrole ont rebondi. Vers 9h10, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juillet valait 71,10 dollars à Londres, en hausse de 87 cents. A New York, le baril de WTI pour le contrat de juin gagnait 53 cents à 61,57 dollars.

Tout en annonçant que le géant pétrolier saoudien Aramco «a interrompu temporairement les opérations sur l’oléoduc» Est-Ouest reliant la Province orientale au port de Yanbu sur la mer Rouge après les attaques de drones, le ministre de l’Énergie Khalid al-Falih a souligné que la production et les exportations n’avaient pas cessé.

«Les derniers actes de terrorisme et de sabotage dans le Golfe visent non seulement le royaume mais aussi la sécurité des approvisionnements pétroliers dans le monde et l’économie mondiale», a averti M. Falih.

«Ces attaques prouvent une fois de plus qu’il est important pour nous de faire face aux entités terroristes, y compris les miliciens Houthis», a-t-il dit.

Nouvelles menaces

Au Yémen, la chaîne de télévision des Houthis a fait état d’une «opération majeure» avec «l’utilisation de sept drones» contre des «installations vitales» saoudiennes.

Il s’agit d’une «réponse aux crimes» de Riyad au Yémen, a déclaré Mohammed Abdelsalam, porte-parole des Houthis.

Dans un communiqué séparé, les rebelles ont menacé de lancer d’autres attaques «si les agresseurs poursuivent leurs crimes et blocus. Nous sommes capables de mener des opérations uniques d’une plus grande ampleur au cœur des pays ennemis».

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La coque du pétrolier norvégien Andrea Victory a été endommagée lundi.

Les attaques en Arabie saoudite ont eu lieu deux jours après que deux pétroliers saoudiens, un norvégien et un cargo émirati ont été visés par des «actes de sabotage» au large de l’émirat de Fujairah, aux Émirats arabes unis.

Il n’y a pas eu de victimes et les bateaux endommagés n’ont pas coulé. Ces actions n’ont pas été revendiquées.

Des experts américains, français, norvégiens et saoudiens participent à l’enquête, a indiqué un responsable d’Abou Dabi, alors que des zones d’ombre demeurent sur la nature des «actes de sabotage» et l’identité des auteurs et/ou des commanditaires.

Pour des experts, si la responsabilité de Téhéran est avérée, il pourrait s’agir d’un avertissement de l’Iran à Washington.

«Des opérations iraniennes limitées contre les Émirats et l’Arabie saoudite pourraient viser à dissuader» ces deux pays et «indiquer qu’une guerre avec l’Iran ne serait pas limitée au sol iranien», a fait valoir Alex Vatanka du Middle East Institute basé à Washington.

«Plus d’hommes que ça»

S’il y a «vraiment eu une tentative délibérée d’endommager ces tankers, alors ce pourrait être un avertissement de l’Iran sur les conséquences d’une quelconque action militaire contre des cibles iraniennes n’importe où dans la région», a noté Neil Partrick, expert du Golfe.

L’Iran, placé sur la défensive, a jugé lundi ces actes «préoccupants et regrettables». Mais sur un ton de défi, le président Hassan Rohani a aussi affirmé que son pays était «trop grand pour être intimidé par quiconque».

AFP

Un hélicoptère se pose sur le destroyer américain USS Nitze, qui a récemment pris la direction du Moyen-Orient.

Mardi, l’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la République islamique d’Iran, a affirmé qu’«il n’y aurait pas de guerre» avec les États-Unis. «Ni nous ni eux cherchons la guerre, ils savent qu’elle ne serait pas dans leur intérêt», a-t-il ajouté.

La semaine dernière, le Pentagone avait annoncé l’envoi dans la région d’un navire de guerre et d’une batterie de missiles Patriot, s’ajoutant au déploiement d’un porte-avions et de bombardiers B-52.

Il a justifié ce déploiement par des «signaux clairs montrant que les forces iraniennes et leurs alliés font des préparatifs à une attaque possible contre les forces américaines».

Selon le New York Times, le secrétaire à la Défense Patrick Shanahan a présenté un plan selon lequel jusqu’à 120 000 hommes pourraient être envoyés au Moyen-Orient si l’Iran attaquait des forces américaines. Mais le président Donald Trump a démenti un tel projet. «Est-ce que je le ferais? Absolument. Mais nous ne l’avons pas planifié […] Si nous devions le faire, nous enverrions beaucoup plus d’hommes que ça».