Les Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par des frappes aériennes américaines, ont procédé lundi à de nouvelles évacuations de civils de l'ultime bastion du groupe État islamique (EI) en Syrie, où les djihadistes sont accusés de défendre leur carré avec des « boucliers humains ».

Après l'évacuation de milliers de civils en plus de deux semaines, les combattants antidjihadistes des FDS ont repris vendredi l'offensive contre les derniers combattants de l'EI, terrés dans une poche du village de Baghouz, dans la province orientale de Deir Ezzor.

Tirs d'artillerie et frappes aériennes de la coalition internationale emmenée par Washington ont ainsi visé ces derniers jours plusieurs positions djihadistes dans cet ultime réduit, constitué de quelques pâtés de maisons accolées à un campement informel.

« Plus de 800 personnes ont quitté Baghouz depuis hier, notamment des membres des familles des djihadistes et des combattants qui se sont rendus », a indiqué à l'AFP une porte-parole des FDS, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.  

Depuis une position des FDS, un correspondant de l'AFP a pu voir à travers des jumelles des hommes s'agenouiller avant de monter dans des camions, ainsi que des femmes vêtues toutes de noir et des enfants.

Plus tôt dans la journée, des dizaines de camions vides s'étaient dirigés vers Baghouz. Il s'agissait d'un nouveau convoi de 40 camions qui devaient transporter les civils pris au piège, a indiqué un chauffeur interrogé par l'équipe de l'AFP sur place.   

Un commandant des FDS sur le terrain avait en outre fait état d'un « ralentissement de l'opération (militaire) depuis hier » afin de faciliter la sortie des civils, que les forces antidjihadistes accusent l'EI d'utiliser comme « boucliers humains ».

Fin territoriale

Lundi, trois frappes aériennes ont toutefois visé le réduit de l'EI, provoquant un épais nuage de fumée noire et grise, a constaté une journaliste de l'AFP. Au sommet d'une colline reconquise par les forces antidjihadistes surplombant le secteur, deux imposants drapeaux des unités kurdes des FDS flottent au vent.

L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a lui aussi confirmé un « ralentissement des combats ces dernières heures », disant s'attendre à « une trêve pour évacuer les blessés, les membres des familles de djihadistes ainsi que les civils et les combattants » souhaitant se rendre.

Les djihadistes sont retranchés au milieu d'un océan de mines, ils disposent de tireurs embusqués et essayent de lancer des contre-attaques, mais les FDS assurent déjouer leurs tentatives.

Dimanche, « huit kamikazes se sont fait exploser avant d'arriver à des positions » des FDS, tandis que les explosifs de trois voitures piégées ont été activés à distance, selon un communiqué des forces antidjihadistes.

Depuis vendredi, sept membres des FDS ont été tués, contre 18 djihadistes morts sur le champ de bataille ou dans des attaques suicide, indique de son côté l'OSDH.

Quelque 53 000 personnes, principalement des familles de djihadistes, ont déjà quitté l'ultime réduit depuis décembre, selon l'Observatoire. Parmi eux, plus de 5000 djihadistes ont été arrêtés, d'après la même source.

La grande majorité des évacués sont transférés vers le camp de déplacés d'Al-Hol, plus au nord, où ils s'entassent dans des conditions difficiles.

Après une montée en puissance fulgurante en 2014, l'EI avait proclamé en juin de la même année un « califat » sur les vastes régions et les grandes villes conquises en Syrie et en Irak voisin, où l'organisation ultraradicale a commis multiples exactions.

Mais face à plusieurs offensives ces deux dernières années, les djihadistes ont vu leur territoire se réduire comme peau de chagrin.

Si l'EI perd son dernier réduit, à Baghouz, cela signerait la fin territoriale du « califat » en Syrie après sa défaite en Irak en 2017.  

Réunion russo-américaine

Mais le groupe a déjà entamé sa mue en organisation clandestine. Ses combattants sont disséminés dans le désert syrien, dans le centre du pays, et parviennent toujours à mener des attentats meurtriers.

La bataille contre l'EI représente aujourd'hui le principal front de la guerre en Syrie qui a fait plus de 360 000 morts depuis 2011, au moment où le régime, soutenu par la Russie et l'Iran, a repris le contrôle de près des deux-tiers du pays.

Parallèlement à l'offensive anti-EI, les chefs d'état-major russe et américain, Valeri Guerassimov et Joe Dunford, se rencontrent lundi à Vienne, en Autriche, pour évoquer la poursuite des opérations en Syrie, où les États-Unis ont décidé de maintenir une « force résiduelle ».

Le président américain Donald Trump avait décidé en décembre de retirer les quelque 2000 soldats américains déployés dans le nord-est de la Syrie, en soutien aux FDS, mais il s'est finalement laissé convaincre d'y maintenir environ 200 militaires.

Depuis l'entrée de la Russie dans le conflit en 2015, Moscou et Washington se sont entendus pour se départager leurs zones d'opérations contre l'EI, et éviter tout incident par des mesures dites de déconfliction.