Le pape François s'est élevé avec force lundi à Abou Dhabi contre toute forme de discrimination, de violence et de guerre, au deuxième jour de sa visite historique dans la péninsule arabique où subsistent de multiples conflits et des inégalités flagrantes.

Premier chef de l'Église catholique à fouler le sol de cette région qui fut le berceau de l'islam, le pape s'est adressé à un parterre de dignitaires religieux dans la capitale des Émirats arabes unis.

L'occasion était la tenue d'une rencontre internationale entre les religions que le pape François n'a cessé de promouvoir en compagnie du grand imam d'Al-Azhar, institution phare de l'islam sunnite, partenaire de cette réunion dédiée au dialogue.

À la fin de leurs discours, les deux hauts dignitaires ont signé un document engageant leurs institutions à « lutter contre l'extrémisme ». Ils se sont donné l'accolade à la fin de la cérémonie.

Le pape a commencé son discours par la formule en arabe « Assalamou alaykoum » (Que la paix soit sur vous).

Ses propos ont eu une résonance particulière dans une région où les inégalités sont flagrantes : communautés religieuses se disant discriminées, millions de migrants pauvres sans droits ou hordes d'apatrides vivant aux marges de l'immense richesse pétrolière.

En outre, le plus grand pays de la région, l'Arabie saoudite, interdit toute pratique religieuse autre que l'islam, alors que le pape a insisté, tout au long de son discours, sur la nécessité de garantir la liberté religieuse.  

Et il a également demandé pour l'ensemble du Moyen-Orient « le même droit à la citoyenneté » pour les personnes « de diverses religions ».

Le souverain pontife s'est aussi une nouvelle fois fait l'avocat de la non-violence, de la paix et du désarmement, s'opposant fermement à l'utilisation de la religion à des buts non pacifiques.

Il a qualifié toute forme de haine et de violence de « grave profanation du nom de Dieu ». Il « n'existe pas de violence qui puisse être justifiée religieusement », a-t-il insisté.

Appel à la paix au Yémen

 « La fraternité humaine exige de nous, représentants des religions, le devoir de bannir toute nuance d'approbation du mot guerre », a martelé le pape.

Il a mis en exergue quatre pays qui en connaissent actuellement « les conséquences néfastes » : le Yémen, la Syrie, l'Irak et la Libye.

Il a engagé les membres de « la famille humaine » contre « la logique de la puissance armée » et « l'édification de murs ».

L'imam d'Al-Azhar s'est livré quant à lui à un réquisitoire contre les mouvements extrémistes se réclamant de l'islam.  

La guerre au Yémen, théâtre de la pire crise humanitaire dans le monde selon l'ONU, a été évoquée lors de l'entretien lundi du pape avec le prince héritier d'Abou Dhabi et homme fort des Émirats, cheikh Mohammed ben Zayed.

Avant l'entretien, le souverain pontife a eu droit, dans un grand palais d'Abou Dhabi, à une cérémonie d'accueil haute en couleur avec 21 coups de canon et le passage d'avions de chasse laissant derrière eux une trainée de fumée aux couleurs du Vatican.

La petite voiture bas de gamme d'une marque coréenne à bord de laquelle il est arrivé contrastait avec l'aspect grandiose du palais et les autres voitures officielles.  

Avant son discours au Monument du Fondateur, le souverain pontife avait visité la grande Mosquée Zayed, érigée en l'honneur de ce fondateur des Émirats, le défunt cheikh Zayed Al-Nahyane.

Dimanche, le pape avait pressé les protagonistes au Yémen de « favoriser de manière urgente le respect des accords établis » sous l'égide de l'ONU, surtout pour une trêve dans la ville portuaire de Hodeida, essentielle à l'acheminement de l'aide internationale.

La population yéménite paye un lourd tribut et « de très nombreux enfants souffrent de la faim », avait-il rappelé.

Les Émirats sont critiqués par des ONG pour leur intervention militaire depuis 2015 au Yémen voisin aux côtés de l'Arabie saoudite qui a monté une coalition pour soutenir le pouvoir en guerre contre des rebelles appuyés par l'Iran.  

Un million de catholiques

Avant d'achever sa visite, le pape célèbrera mardi une messe à Abou Dhabi devant 135 000 fidèles, présentée comme le plus grand rassemblement dans l'histoire du pays. Un événement inédit en terre musulmane.

Environ un million de catholiques - des travailleurs asiatiques pour la plupart - vivent aux Émirats, pays dont la population est composée à plus de 85 % d'expatriés et où ils peuvent pratiquer leur religion dans huit églises.

Les responsables émiratis n'ont cessé d'insister sur le thème de la tolérance, en particulier en liaison avec la rencontre - la cinquième - entre le pape et l'imam d'Al-Azhar.

Les Émirats ont toujours cherché à projeter l'image d'un pays ouvert, même si ce pays pratique une politique de « tolérance zéro » à l'égard de toute contestation et notamment celle des adeptes de l'islam politique incarné par les Frères musulmans.

Depuis le début de son pontificat, le pape s'est rendu à plusieurs reprises dans des pays dont la population est majoritairement musulmane, comme l'Égypte, l'Azerbaïdjan, le Bangladesh et la Turquie. En mars, il est attendu au Maroc. Il s'agit au total du 27e voyage de ce pape à l'étranger.