(Maaret al-Noomane) Au moins huit civils, dont cinq enfants, ont été tués mardi dans des raids aériens russes sur un village du nord-ouest de la Syrie, a indiqué une ONG, Paris et Ankara appelant à cesser les bombardements.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), les frappes ont visé le village de Joubass, aux abords de la localité de Saraqeb, dans le sud de la province d’Idleb, tuant des civils qui avaient trouvé refuge dans une école et ses alentours.

« Une frappe aérienne s’est abattue sur nous alors que nous préparions nos affaires », a affirmé Hassan, qui vivait dans cette école, selon un correspondant de l’AFP sur place.

Depuis le 16 décembre, les forces du régime, soutenues par l’aviation russe, ont intensifié leurs bombardements dans cette région et de violents combats au sol les opposent aux djihadistes et rebelles, malgré un cessez-le-feu annoncé en août.

Environ 80 civils ont été tués dans le cadre de cette nouvelle escalade.  

Mardi, Ankara a indiqué être en pourparlers avec Moscou pour obtenir un nouveau cessez-le-feu à Idleb. « Ces bombardements doivent cesser immédiatement », a ajouté le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin.

Le ministère français des Affaires étrangères a également appelé à une « désescalade immédiate », estimant dans un communiqué que « l’offensive militaire du régime de Damas et de ses alliés aggrave la crise humanitaire ».

Depuis jeudi, le régime a pris le contrôle d’une quarantaine de villages dans le secteur, a précisé l’OSDH, affirmant que les troupes de Damas se rapprochent d’une ville-clé dans le sud d’Idleb.

« Les forces du régime sont désormais à quatre kilomètres de Maaret al-Noomane », a indiqué à l’AFP Rami Abdel Rahmane, le directeur de l’OSDH.

L’armée syrienne a affirmé mardi dans un communiqué avoir repris 320 km2 ces derniers jours, dont « plus de 40 villes et villages », assurant qu’elle continuera sa progression jusqu’à reprendre toute la province d’Idleb.

Elle a appelé les civils à évacuer les zones tenues par les djihadistes.

En cinq jours, les combats ont fait environ 260 morts, dont 110 membres des forces prorégime et 148 djihadistes et rebelles, selon l’OSDH.

Mardi, les djihadistes et rebelles ont néanmoins réussi à reprendre Talamanas ainsi qu’une localité adjacente, d’après l’OSDH.

Les habitants de Maaret al-Noomane ont fui, craignant une avancée du régime, a constaté un correspondant de l’AFP. Selon l’OSDH, plus de 40 000 personnes ont fui les combats ces derniers jours, en direction du nord, frontalier de la Turquie.

« Désescalade immédiate »

Abou Ahmad fait partie des derniers à partir. « Le sentiment est indescriptible […]. C’est notre maison, c’est là qu’on a grandi », dit-il à l’AFP, en pleurs.

« Je ne m’attendais pas à devoir partir » un jour, ajoute-t-il.

L’ONU a appelé la semaine dernière à une « désescalade immédiate », craignant de nouveaux déplacements massifs si les violences persistent.

La région d’Idleb, composée d’une grande partie de la province éponyme et de segments des provinces voisines d’Alep et de Lattaquié, est dominée par les djihadistes du groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTS).

Le chef de HTS, Abou Mohamed al-Joulani, a exhorté mardi dans un communiqué les djihadistes et rebelles alliés à combattre « les occupants russes » et le régime.

D’autres groupuscules djihadistes et rebelles sont présents dans la région, qui abrite quelque trois millions de personnes, dont la moitié ont été déplacées depuis d’autres régions reconquises par Damas.

Le régime, qui contrôle désormais plus de 70 % du territoire, s’est maintes fois dit déterminé à reconquérir Idleb.

Damas et Moscou y ont mené une offensive d’envergure entre avril et août, tuant un millier de civils, selon l’OSDH, provoquant la fuite de 400 000 personnes d’après l’ONU.

« Détresse indescriptible »

Les bombardements et combats au sol ont tué plus de 300 civils et des centaines de combattants en près de quatre mois.

Vendredi, Moscou et Pékin ont mis leur veto au Conseil de sécurité à un projet de résolution étendant d’un an l’aide humanitaire transfrontalière de l’ONU à quatre millions de Syriens, dont les habitants d’Idleb.

Paris a appelé mardi à voter cette résolution et l’UNICEF s’est alarmée dans un communiqué de l’intensification des violences à Idleb.  

Pour l’UNICEF, « l’accès humanitaire doit être maintenu pour fournir une aide vitale à des centaines de milliers d’enfants » qui neuf ans après le début de la guerre, « continuent de subir une violence, des traumatismes et une détresse indescriptibles ».

Les forces du régime ont par ailleurs encerclé lundi un poste d’observation tenu par les forces turques dans la province d’Idleb, toujours selon l’OSDH.

L’armée turque y est déployée en vertu d’un accord conclu en 2018 entre Moscou et Ankara, parrain des rebelles, pour éviter une offensive de Damas contre cette zone.

Le conflit en Syrie, déclenché en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie par Damas, a fait plus de 370 000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.