(Bagdad) Les forces de sécurité irakiennes ont ouvert le feu sur des centaines de manifestants antigouvernementaux vendredi dans le centre de Bagdad, tuant au moins dix personnes et en blessant des dizaines d’autres.

Ces pertes de vie portent à 53 le nombre de personnes tuées depuis trois jours dans plusieurs provinces de l’Irak. Les manifestants, pour la plupart de jeunes hommes, réclament des emplois, de meilleurs services publics et la fin de la corruption dans ce pays riche en pétrole.

Ce mouvement social spontané et la réaction intransigeante des forces de sécurité constituent le défi le plus important pour l’Irak depuis la défaite du groupe armé État islamique il y a deux ans.

Dans un discours télévisé vendredi matin, le premier ministre Adel Abdul-Mahdi a déclaré que les « demandes légitimes » des manifestants avaient été entendues, tout en affirmant que les mesures musclées utilisées pour réprimer le mouvement ressemblaient à des « médicaments amers » qui doivent être avalés. Les autorités ont bloqué l’accès à l’internet et imposé un couvre-feu permanent dans la capitale dans une tentative infructueuse d’empêcher les rassemblements.

Des coups de feu ont retenti vendredi à Bagdad, alors que les forces de sécurité affrontaient des groupes de manifestants. Les forces de sécurité ont ouvert le feu directement sur des personnes qui tentaient de se rendre sur la place Tahrir dans le centre de la ville, atteignant deux manifestants à la tête et les tuant, selon des témoins et des responsables de la sécurité et des hôpitaux.

L’organe médiatique de l’armée a déclaré que deux policiers et deux civils avaient été abattus par des tireurs embusqués.

Des tirs à balles réelles

Les manifestants, dont plusieurs avaient campé dans les rues pendant la nuit, se sont rassemblés avant midi près de la place Tahrir pour défier l’appel de M. Abdul-Mahdi et le couvre-feu annoncé la veille. Après le coucher du soleil, le nombre de manifestants a atteint plus de 1 000, et les forces de sécurité ont ouvert le feu dans des rues adjacentes pour empêcher davantage de personnes d’atteindre la place Tahrir.

PHOTO KHALID MOHAMMED, AP

Alors qu’un groupe de journalistes interviewait un manifestant sur la place, un policier a ouvert le feu et blessé le jeune homme à la jambe. Aucun journaliste n’a été touché.

Les forces de sécurité ont recours à des balles réelles et aux gaz lacrymogènes depuis le début des rassemblements spontanés, mardi.

Le plus important des leaders religieux chiites en Irak, le grand ayatollah Ali al Sistani, a exhorté les deux parties à mettre fin à la violence. Il s’agissait de ses premiers commentaires depuis le début des manifestations.

L’ayatollah a exhorté le gouvernement à « s’acquitter de son devoir » pour atténuer les souffrances de la population et a réitéré son appel à la création d’un comité de technocrates chargé de formuler des recommandations sur la lutte contre la corruption afin de sortir de la crise actuelle.

Des responsables des hôpitaux ont fait état de neuf autres morts dans la ville de Nasiriyah, dans le sud du pays, à environ 320 kilomètres au sud-est de Bagdad. Les pertes de vie seraient survenues jeudi soir.