(Genève) La rapporteuse spéciale des Nations unies sur les exécutions sommaires a critiqué lundi le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, surnommé « MBS », pour avoir tenté de se « distancer » du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi.

Agnès Callamard, qui ne s’exprime pas au nom de l’ONU, réagissait ainsi à des propos du prince héritier sur sa responsabilité dans le meurtre de Jamal Khashoggi, tué le 2 octobre 2018 dans l’enceinte du consulat saoudien à Istanbul par un commando d’agents saoudiens venus de Riyad.

« J’assume l’entière responsabilité parce que cela s’est déroulé sous mon règne », a déclaré le prince à un reporter en décembre 2018, selon des citations reproduites dans un documentaire du programme Frontline de la chaîne américaine PBS qui doit être diffusé cette semaine. Il a assuré n’avoir eu connaissance des faits qu’après coup.

« Qu’allons-nous faire, le croire sur parole ? Au cours des 12 derniers mois, l’État saoudien, ses différents représentants ont menti à la communauté internationale sur la nature du crime, alors nous sommes censés le croire sur parole ? » a réagi Mme Callamard auprès de l’AFP.  

« Il n’assume aucune responsabilité personnelle pour le crime, il crée une distance énorme entre lui-même et le crime lui-même, il crée des couches et des couches d’acteurs afin de se distancier de l’exécution, de son ordre et de son organisation », a-t-elle déploré.

Mme Callamard, qui a enquêté pendant six mois sur cette affaire en se rendant notamment en Turquie, estime qu’il y a des preuves suffisantes pour ouvrir une enquête sur la responsabilité du prince héritier saoudien. Elle a demandé en juin un supplément d’enquête, mais quelques jours après elle a déclaré que la « paralysie » de l’ONU avait empêché l’identification des responsables de cet assassinat.

Le prince héritier a été accusé d’être personnellement impliqué dans la mort du journaliste.  

Le Sénat américain a adopté une résolution lui attribuant la responsabilité de l’assassinat, sur la base de conclusions de la CIA disant n’avoir « aucun doute » sur le fait qu’il avait « ordonné » le meurtre du journaliste, qui collaborait notamment avec le Washington Post et résidait aux États-Unis.

Après avoir dans un premier temps nié le meurtre, Riyad avait avancé plusieurs versions contradictoires et soutient désormais que le journaliste a été tué lors d’une opération d’agents non autorisée par le pouvoir.

La justice saoudienne a innocenté le prince héritier et inculpé 11 personnes, réclamant la peine de mort contre cinq d’entre elles.