(Washington) Même s’ils négocient avec les talibans un retrait militaire d’Afghanistan pour mettre fin à 18 ans de guerre, les États-Unis devraient maintenir une force antiterroriste dans le pays pour rassurer ceux qui craignent une résurgence des attentats.

Selon les premiers éléments rendus publics, le projet d’accord de paix avec les talibans prévoit un retrait initial, sous 135 jours, de cinq bases dans lesquelles l’armée américaine est présente. Au terme de cette première étape, 8600 soldats américains resteraient en Afghanistan, contre 13 000 à 14 000 aujourd’hui.

L’accord est basé sur l’idée que les talibans mettront, à terme, fin à leur combat armé contre le gouvernement. Dans ce cas, la mission des soldats américains pourrait se recentrer sur la lutte contre les djihadistes du groupe État islamique (EI) et d’Al-Qaïda, qui ont profité du chaos en Afghanistan pour prendre pied dans le pays.

Actuellement, leur mission est double : formation des forces spéciales et de l’armée de l’air afghanes, et opérations «antiterroristes». Aucun détail n’a été donné sur la composition des troupes américaines qui resteraient dans le pays mais le chef d’état-major américain, le général Joe Dunford, a laissé entendre qu’une force antiterroriste pourrait rester déployée dans un premier temps.  

AP

Joe Dunford

«Je n’utilise pas le mot» retrait «à l’heure actuelle», a-t-il dit au cours d’une conférence de presse. «Je dis que nous allons nous assurer que l’Afghanistan ne soit pas un sanctuaire» pour les djihadistes.

«Nous devrons nous assurer que nos intérêts sont défendus», a-t-il répondu, alors qu’il était pressé de questions sur le maintien ou non d’une force antiterroriste.  

La guerre en Afghanistan a été lancée le 7 octobre 2001 en réponse aux attentats du 11-Septembre commis par le réseau djihadiste Al-Qaïda basé dans le pays avec le soutien des talibans. La logique d’y maintenir des troupes a toujours été de s’assurer qu’un nouvel attentat ne puisse être mené contre les États-Unis depuis l’Afghanistan, et la perspective d’un accord avec les talibans fait craindre une résurgence des groupes djihadistes.

Il est possible que l’armée afghane soit à terme capable d’assurer elle-même la sécurité du pays, a ajouté en substance le chef d’état-major. «Mais nous ne voulons pas discuter en détail de la date à laquelle ça pourrait se produire ni des capacités qui seraient associées à une telle situation».

Risques

Pour Michael Kugelman, du Wilson Center, «il n’est pas nécessaire d’avoir une énorme présence militaire pour répondre à la menace terroriste en Afghanistan». «Quelque milliers» d’hommes suffiront, ajoute-t-il.

Le risque est que l’EI, le groupe djihadiste qui paraît se développer en Afghanistan, attire les éléments les plus radicaux des talibans, déçus par le processus de paix.

«Ce que veulent les talibans, c’est que les militaires américains s’en aillent complètement», ajoute l’expert. Mais les États-Unis doivent maintenir une présence pour lutter contre l’EI et Al-Qaïda «comme ils l’ont fait ces dernières années, si ce n’est plus fortement.»

Le calendrier annoncé ne concerne que la première phase du retrait, comme l’a souligné le président Trump. En cas de nouvelle attaque contre les États-Unis ourdie depuis l’Afghanistan, Washington reviendrait «avec une force» plus importante «que jamais auparavant», a-t-il prévenu.

D’autres retraits dépendront de la situation sur le terrain, souligne-t-on au Pentagone.

Plusieurs anciens ambassadeurs des États-Unis en Afghanistan ont lancé une mise en garde, dans une lettre ouverte, contre la possibilité d’un retrait total des soldats américains avant que la paix ne soit réellement revenue dans le pays.

«Une certaine diminution des effectifs est possible pour lancer les négociations», estiment les anciens diplomates. «Mais des forces contreterroristes et la puissance aérienne des États-Unis et de l’OTAN doivent rester pour faire face à la menace terroriste de l’État islamique (et Al-Qaïda) ainsi qu’aux talibans», ajoutent-ils.

Alors que de nombreux Afghans redoutent que les talibans reviennent sur les acquis en matière de libertés publiques et refusent tout partage du pouvoir avec l’actuel gouvernement, le porte-parole du président afghan Ashraf Ghani a indiqué mercredi que Kaboul était «préoccupé» par le projet d’accord et demandé des éclaircissements sur les risques qu’il comporte.