(Téhéran) Téhéran semble jouer l’apaisement mercredi sur fond de tensions exacerbées dans le Golfe et sur la question nucléaire iranienne, après une première réaction très ferme à l’annonce de sanctions américaines à caractère éminemment politique.

Le président Hassan Rohani a assuré au téléphone à son homologue français Emmanuel Macron que son pays ne cherchait « la guerre avec aucun pays », pas même les États-Unis, selon l’agence officielle Irna.

M. Rohani a évoqué en Conseil des ministres la question de l’accord sur le nucléaire iranien, conclu avec six grandes puissances en 2015 à Vienne et menacé depuis que les États-Unis en sont sortis unilatéralement en mai 2018.

« Je le dis aux Américains : vous avez choisi le mauvais chemin. Je le dis aux Européens : vous faites fausse route avec votre inaction », a-t-il déclaré, « et je leur dis [à tous] de revenir à leur serment et à leurs engagements ».

Selon Irna, M. Rohani a prévenu M. Macron que son pays pourrait s’affranchir encore davantage des engagements qu’il a pris à Vienne si les Européens ne s’acquittent pas de leurs « promesses […] visant à garantir les intérêts économiques de l’Iran ».

Ces propos, qui laissent plutôt entendre qu’il reste encore du temps pour inverser le cours des choses, contrastent avec le contenu d’une note de l’amiral Ali Shamkhani, secrétaire général du Conseil suprême de la sécurité nationale, publiée mardi par l’agence Fars.

« Plus rien à attendre »

Dans ce document, l’officier écrit qu’il n’y a plus rien à attendre des Européens et que Téhéran appliquera « résolument » la deuxième phase de son « plan de réduction » de ses engagements en matière nucléaire dès le 7 juillet.

En d’autres termes, l’Iran recommencerait dès cette date à enrichir de l’uranium à un degré prohibé par l’accord de Vienne (la limite est fixée par ce texte à 3,67 %) et relancerait son projet de construction d’un réacteur à eau lourde à Arak (centre), mis en sommeil.

Par l’accord de Vienne, l’Iran s’est engagé à ne jamais chercher à se doter de l’arme atomique, et à limiter drastiquement son programme nucléaire en échange d’une levée de sanctions internationales  asphyxiant son économie.

Mais le président américain Donald Trump, qui accuse Téhéran de chercher à obtenir l’arme atomique et d’être responsable de tous les maux du Moyen-Orient, a engagé son pays dans une campagne de « pression maximale » sur l’Iran.

Les sanctions extraterritoriales américaines réimposées depuis août 2018 contre Téhéran ont conduit les principaux clients de l’Iran à renoncer officiellement à lui acheter du brut et l’isolent du système financier international, privant ainsi le pays des bénéfices qu’il attendait de l’accord de Vienne.  

En réaction, Téhéran a annoncé le 8 mai qu’il cessait de se sentir tenu par les limites fixées par l’accord de Vienne concernant ses réserves d’uranium enrichi et d’eau lourde.

Téhéran a également donné aux autres États parties au pacte de Vienne (Allemagne, Chine, France, Grande-Bretagne et Russie) jusqu’au 7 juillet pour l’aider à contourner les sanctions américaines, faute de quoi l’Iran passerait à la deuxième phase de son « plan de réduction » de ses engagements.

Téhéran a déjà indiqué que ses réserves d’uranium (faiblement) enrichi devraient passer au-dessus de la limite des 300 kg jeudi.

Cela risque d’amener l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à constater, pour la première fois depuis l’entrée en vigueur de l’accord de Vienne, un manquement de l’Iran à ses engagements.

Paris a jugé mardi qu’une « violation iranienne » du pacte serait « une grave erreur ».

Les incertitudes sur l’avenir de cet accord interviennent dans un contexte d’extrême tension entre Téhéran et Washington.

Représailles « écrasantes »

Mardi, l’Iran a accusé les États-Unis d’avoir « fermé de façon permanente la voie de la diplomatie », au lendemain de l’annonce de nouvelles sanctions américaines.

Les sanctions américaines de lundi, d’une portée essentiellement symbolique, visent le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, et plusieurs généraux de l’état-major des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique iranienne.

M. Khamenei a rétorqué mercredi que la détermination de la « belle » nation iranienne aurait raison des sanctions et des « insultes » du « régime le plus vicieux au monde ».

Les nouvelles sanctions américaines, dénoncées par Moscou comme « déstabilisatrices », viennent s’ajouter à une spirale d’accusations et d’incidents, dont des attaques d’origine inconnue contre des pétroliers et la destruction le 20 juin d’un drone américain par l’Iran dans la région stratégique du Golfe.

Cité par l’agence Tasnim, le général de division Hossein Salami, commandant en chef des Gardiens de la Révolution, a estimé que les sanctions « irrationnelles » visant son organisation étaient une « réaction apathique » des États-Unis à la perte de leur « drone-espion super avancé ».

M. Trump a prévenu mardi que toute attaque iranienne contre des intérêts américains ferait l’objet de représailles « écrasantes ».