(La Mecque) Le roi Salmane d’Arabie saoudite s’est livré à une violente charge contre l’Iran devant ses pairs du Golfe et de la Ligue arabe, réunis tôt vendredi dans la ville sainte de la Mecque, dans l’ouest de l’Arabie saoudite, après des attaques qui ont ravivé la tension régionale.

Sabotage de navires à l’entrée du Golfe, attaques contre des installations pétrolières saoudiennes, ingérences dans les affaires de ses voisins et menaces contre l’approvisionnement en pétrole du marché mondial : tels sont les principaux griefs formulés par le souverain saoudien, à la tête d’un royaume sunnite, à l’encontre son grand rival chiite, l’Iran.

Et d’appeler ses partenaires du Conseil de coopération du Golfe (CCG) à se dresser ensemble, en dépit de leurs divisions, contre les « actions criminelles » de l’Iran.

« L’absence d’une réaction ferme et dissuasive face aux actes de sabotage de l’Iran dans la région l’a encouragé à les poursuivre et à les accentuer comme on le constate aujourd’hui », a estimé le souverain saoudien.

« Les récents actes criminels nous obligent à agir avec sérieux pour préserver la sécurité et les acquis du CCG », a-t-il affirmé.

Il a accusé l’Iran de ne pas avoir cessé durant quatre décennies de soutenir « le terrorisme, de nuire à la stabilité de la région et de poursuivre une politique d’expansion ».

Dans un communiqué à l’issue de ses travaux, le sommet du CCG a exprimé sa solidarité avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis après les récentes attaques.

Il a rappelé l’Iran aux règles de « bon voisinage et de non ingérence dans les affaires d’autrui » et l’a appelé à cesser d’« armer et de financer les milices et les organisations terroristes ». De même, le CCG a exhorté l’Iran à cesser ses « menaces de recourir à la violence ».

Soutien à la stratégie US

A propos des liens avec les États-Unis, les pays du CCG ont renouvelé leur « appui à la stratégie américaine à l’égard de l’Iran y compris en ce qui concerne ses programmes nucléaire et balistique, ses activités de déstabilisation, son soutien au terrorisme et aux activités hostiles du Hezbollah, des Gardiens de la révolution et de la milice des Houthis » au Yémen.

A l’ouverture du sommet arabe, qui a suivi la première réunion, le roi Salmane a repris les mêmes arguments en appelant notamment les pays du monde à « user de tous les moyens » pour dissuader l’Iran.

Le roi saoudien n’a pas mâché ses mots face à Téhéran alors que Riyad s’est abstenu jusqu’ici de mettre en cause directement l’Iran dans les récents incidents qui ont fait monter la tension dans le Golfe.

Certes, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Ibrahim al-Assaf, a une nouvelle fois fustigé mercredi soir l’« ingérence » iranienne mais le conseiller américain à la sécurité nationale, John Bolton, en visite le même jour à Abou Dabi, s’est montré plus direct en soutenant que l’Iran était vraisemblablement derrière les actes de sabotage du 12 mai contre des pétroliers au large des Émirats.

Le Qatar présent

Le Qatar a été représenté à la réunion par son premier ministre, cheikh Abdallah ben Nasser Al-Thani, premier responsable qatari de ce rang à se rendre en Arabie saoudite depuis la rupture le 5 juin 2017.

Riyad et trois de ses alliés (Émirats arabes unis, Bahreïn et Égypte) avaient alors rompu avec le Qatar, accusé de soutenir des groupes extrémistes et à qui ils reprochaient son rapprochement de l’Iran. Doha a nié soutenir des extrémistes et accusé ces quatre pays de chercher un changement de régime au Qatar.

Les États-Unis, alliés à la fois de Riyad et de Doha, ont salué la participation du Qatar aux réunions de La Mecque. Washington n’a cessé depuis deux ans de tenter des médiations pour régler cette crise qui nuit à sa stratégie d’isolement de l’Iran.

Dans les images montrées par la télévision saoudienne avant l’ouverture des travaux, le responsable qatari est apparu crispé.

Le Qatar et ses adversaires restent en conflit malgré les nombreuses tentatives de médiation, notamment celles du Koweït.

Ce sommet du CCG devait être suivi dans la nuit par un sommet de la Ligue arabe et le lendemain par un sommet des pays membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI).

Ces trois rencontres dans la première ville sainte de l’islam et à la fin du mois sacré de jeûne du ramadan ont été voulues par Riyad qui cherche à resserrer les rangs face à l’Iran.

L’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole, veut également affermir son rôle de puissance régionale, arabe et panislamique.

« Désirs diaboliques »

L’Iran a rejeté comme « risibles » les accusations de John Bolton, perçu comme le principal instigateur de la politique américaine d’extrême fermeté face à l’Iran.

« M. Bolton et les autres bellicistes qui recherchent le chaos devraient savoir que la stratégie de patience, la grande vigilance et la préparation défensive optimale de l’Iran empêcheront la réalisation de leurs désirs diaboliques dans la région », a dit le porte-parole iranien des Affaires étrangères.

Les tensions régionales se sont exacerbées depuis que l’administration Trump a inscrit en avril les Gardiens de la Révolution iraniens, armée idéologique du régime, sur sa liste noire d’« organisations terroristes » et renforcé en mai les sanctions économiques contre Téhéran après avoir quitté, il y a un an, l’accord international sur le nucléaire iranien.